C'est porté par son style "documentaire" pris sur le vif en caméra subjective que ce "Cloverfield" vient nous offrir un film de "monstre" inhabituel, complètement immersif et impressionnant de réalisme.
Le script va suivre la fuite de quelques individus suite à l'attaque de Manhattan par un gigantesque monstre détruisant tout sur son passage.
D'entrée le métrage va adopter son style particulier, certes pas forcément original depuis "Cannibal holocaust" et "Le projet Blair Witch" mais plongeant directement le spectateur au cœur de l'intrigue, pour nous présenter Jason et Lily, deux des personnages principaux s'amusant donc à se filmer avec un caméscope chez eux avant de se rendre à une soirée organisée pour le départ au Japon du frère de Jason, Rob, lançant ainsi une première partie d'exposition qui permettra aussi bien de faire connaissance avec les différents protagonistes que de faciliter l'identification évidemment recherchée. En effet, malgré son aspect parfois quelque peu laborieuse l'entame du film parviendra à intriguer grâce à la relation ambiguë entretenue par Rob et la délicieuse Beth, relation qui nous sera peu à peu dévoilée, mais cette phase d'exposition sera également souriante par la bêtise et les états d'âme du caméraman n'osant pas par exemple approcher une demoiselle lui plaisant et allant peu de temps après colporter un secret à son entourage. C'est donc au milieu de cette ambiance plutôt "bon enfant" que le métrage va basculer d'un coup, par un effet de surprise réussi, pour déclencher le chaos autour des protagonistes qui ne vont pas bien comprendre ce qui leur arrive, croyant au départ à un tremblement de terre. C'est alors que l'aspect foncièrement réaliste va réellement accentuer l'impact du métrage, d'abord par les réactions bien naturelles des personnages (allumer la télévision pour être informé, puis chercher à en voir plus en montant sur le toit de leur immeuble) pour après leur faire vivre un enfer digne de celui vécu par les américains lors d'un certain 11 septembre, sans que la menace ne soit alors clairement identifiée.
Car le réalisateur aura aussi l'intelligence de cacher sa créature au départ pour ne nous la dévoiler que furtivement lors de rapides mouvements de caméra intrigants mais terriblement frustrants, privilégiant de fait des péripéties impliquant les protagonistes qui vont devoir fuir avec la masse des habitants de Manhattan, avant que Rob ne reçoive un appel de détresse de Beth le poussant, aveuglé qu'il sera par amour, à chercher à rejoindre la demoiselle au péril de sa vie, entraînant avec lui le caméraman et deux des survivants.
Même si l'intrigue privilégiera largement l'action, avec de nombreuses séquences carrément étonnantes (lorsque les personnages se retrouveront en première ligne du combat entre l'armée et la créature, par exemple), elle se permettra également quelques plages de répit (le métro) recentrant l'intérêt sur l'état d'esprit et les sentiments des protagonistes, mais ce ne sera que pour mieux rebondir par la suite et recommencer à assurer le spectacle.
Mais hélas, si le réalisateur osera beaucoup de choses, comme s'attaquer frontalement aux événements du 11 septembre en reproduisant carrément l'effondrement d'un gratte-ciel et le nuage de poussière qui en découlera ou encore décapiter le symbole de l'Amérique avec la tête de la statue de la Liberté qui viendra finir sa course en pleine rue, l'intrigue restera quand même largement floue sur l'origine de ce gigantesque monstre qui sortira de nulle part pour se décider à venir embêter les américains et placera certains choix narratifs hasardeux flirtant même avec l'incohérence. Mais cela n'empêchera pas le métrage de remplir son rôle de véritable "montagne russe" où le spectateur en prendra plein les yeux et les oreilles au cours de séquences bluffantes et magistralement orchestrées (le survol du monstre en hélicoptère) jusqu'au final certes anticipable depuis le début mais au ressort dramatique fort.
La créature, soigneusement gardée à l'abri des regards indiscrets lors de la promotion du film, aura un physique véritablement impressionnant en arrivant à paraître originale, se démarquant ainsi de "Godzilla" et des différents monstres gigantesques déjà vus jusque là et sa présentation à l'écran ne la rendra que plus impactante et redoutable.
L'interprétation servira efficacement le métrage pour rester crédible de bout en bout avec un jeu des acteurs forçant le respect par son naturalisme parfaitement crédible. La mise en scène du réalisateur participera également à la réussite globale du film en respectant ce qu'un vidéaste amateur aurait pu tourner en de telles circonstances. Les effets spéciaux seront quand même la grande force du film, aussi bien pour l'animation de la créature que pour les multiples dégâts causés à Manhattan qui demeureront réalistes malgré l'usage du numérique qui restera invisible.
Donc, ce "Cloverfield" assurera un spectacle immersif fort et prodigieux pour entraîner son spectateur dans un chaos virevoltant, viscéral minutieusement retranscrit !
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