Avec ce "13 tzameti", le jeune réalisateur Gela Babluani (dont c'est le premier long métrage) nous livre une oeuvre inclassable, à la croisée des genres, mais surtout terriblement tendue et cruelle.
Le script suit la destinée d'un jeune immigré géorgien qui, en se substituant à un malfrat pour qui il faisait des travaux de bâtiment, va se retrouvé embarquer dans un engrenage mortel en participant à un "jeu" clandestin.
D'entrée, le métrage va nous présenter son personnage principal, Sébastien, un jeune immigré d'un pays de l'Est vivant pauvrement avec sa famille et gagnant sa vie en faisant divers travaux pour des particuliers. C'est ainsi que nous allons le suivre chez son nouveau "patron", un malfrat sur le retour, drogué jusqu'aux yeux et dans l'attente d'une lettre qui devrait lui permettre de gagner beaucoup d'argent, tandis qu'un policier semblera épier ce qui se passe dans cette maison.
Le courrier attendu finira par arriver, contenant uniquement un billet de train et une réservation payée dans un hôtel mais, par un concours de circonstances du à la mort par overdose du truand, Sébastien va hériter de l'enveloppe et va prendre le train et se rendre dans l'hôtel, commençant alors un jeu de piste suivi de près par la police.
Cette première partie d'exposition, certainement la plus faible du métrage en suivant de façon linéaire mais sans réel implication du spectateur les événements qui amèneront Sébastien à se substituer à l'homme choisi pour faire ce voyage vers l'inconnu, peinera à captiver en ne se donnant pas vraiment de but précis dans une ambiance étrange, parfois presque onirique et décalée, peuplée de personnages improbables (et notamment le malfrat usant de drogues ), mais une fois l'intrigue véritablement lancée, il sera impossible de décrocher de cette spirale suffocante qu'il convient de laisser découvrir à ceux qui n'ont pas encore eu la chance de voir le film.
Car le jeune réalisateur, même si bien sûr le destin de Sébastien restera prévisible sous peine de détruire le film, saura donner à chacune des séquences de la seconde partie du métrage une intensité incroyable, aussi malsaine dans sa déshumanisation instrumentalisée que portée par une ambiance délétère éprouvante et choquante. Et le personnage principal, embarqué dans cette galère sans l'avoir désiré, va progressivement gagner en profondeur et s'affirmer au milieu des autres personnages divisés en deux clans bien différents, entre ses compagnons d'"infortune" mais prévenus des risques et les autres, terriblement inhumains et prenant Sébastien et les autres pour tout sauf pour des humains.
Et pourtant, l'idée forte du métrage demeurera simple et ne nécessitera pas de gros investissements financiers, avec ce décor unique neutre, mais la maîtrise parfaite du réalisateur, aussi bien au niveau du rythme alternant les scènes asphyxiantes avec des plages de répit bien méritées, tant pour les personnages que pour le spectateur, qu'au niveau de la gestion de la tension appliquée sans relâchement jusqu'aux derniers instants extrêmement sinistres et porteurs d'une morale pessimiste et rendant tout effort de l'homme dérisoire face à la fatalité.
De plus, l'interprétation est largement convaincante, avec une série de "gueules" imposantes et un jeu teinté de naturalisme rendant l'ensemble tout à fait crédible, tandis que le mise en scène du réalisateur est efficace, en scrutant aussi bien les lieux que les regards et les expressions de chacun.
Donc, ce "13 tzameti" mérite définitivement d'être découvert, en détonant complètement dans le paysage cinématographique hexagonal par sa froideur et son pouvoir d'envoûtement qui laissera le spectateur éreinté, usé par une pression insoutenable !
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