Nous venant de Suisse et réalisé de manière quasiment amateur, ce "Décadence" parvient, malgré les nombreux défauts inhérents à son petit budget, à dépasser son statut pour devenir malsain et étrangement envoûtant.
Le script suit les méfaits de trois psychopathes cannibales accompagnés d'un jeune adolescent qu'ils élèvent comme leur fils, sévissant dans la montagne suisse et se nourrissant de leurs victimes.
Après une courte introduction nous montrant deux des trois futurs détraqués enfants, remontant ainsi très brièvement à la source de leur déviance avant de nous faire suivre leur rencontre avec un homme qui va se proposer de leur faire découvrir la "vraie vie", le métrage va suivre l'enlèvement d'Yves, un bambin dont les parents compteront parmi les victimes du trio de dégénérés, que nous retrouveront quelques années plus tard lorsque Yves sera devenu un adolescent et cherchera à suivre la trace de ses trois "pères".
Le métrage va alors s'attacher à dépeindre le style de vie pour le moins improbable de cette petite bande de cannibales s'attaquant à tout ce qui pourra passer sur leur terrain de chasse, entre joggeurs, couples d'amoureux et aussi un groupe de villageois las de l'insécurité régnant dans la montagne et bien décidé à retrouver les trois hommes afin de les mettre en pièces, tandis que Yves va commencer à se poser des questions sur ce mode de vie voué au crime et à Satan pour prendre le chemin d'une possible rédemption.
Bien entendu, les trois meurtriers resteront les personnages principaux du film, évoquant par moments la famille de "Massacre à la tronçonneuse", et notamment Alfred, le plus jeune des trois et endossant de fait le rôle de chef en étant le plus ignoble et le plus volontaire dans la chasse à l'homme, tout en affichant clairement devant la caméra ses déviances sexuelles, entre ce début de viol avorté et surtout ses penchants homosexuels, n'hésitant pas à se travestir avec les vêtements d'une de ses victimes qu'il aura au préalable violée, et liés à l'attirance qu'il pourra porter à Yves, imposant au métrage des séquences troubles et ambiguës, à la limite scabreuses, mais jamais salaces.
Le métrage arrivera même à devenir parfois bien malsain, déjà avec la jeunesse de deux des tueurs, les seuls que nous verrons véritablement à l'oeuvre, Yves tuant au début du film une institutrice et un directeur d'école avant par la suite de kidnapper un autre adolescent, et Alfred, bien qu'adulte, affichera une allure juvénile déconcertante, et ensuite par certains sévices bien sanglants (même si le métrage ne sera pas outrageusement gore) infligés aux proies de la bande, tandis que le cannibalisme sera bien avancé avec par exemple ce repas à base de viscères froides. Enfin, le réalisateur n'hésitera pas non plus à transgresser d'autres tabous, en s'attaquant à un prêtre venu épauler et surtout essayer de dissuader les villageois d'user de la violence contre le trio d'assassins.
Alors bien sûr, il faudra faire fi de l'amateurisme de l'ensemble pour espérer rentrer dans le métrage, tant l'interprétation sera limitée et "spéciale" au niveau de la diction des dialogues lentes et presque récitée, ce qui donnera bizarrement un aspect envoûtant aux envolées "poétiques" des personnages, et la réalisation de Jean-Clément Gunter, qui signe ici son premier film "professionnel" demeurera souvent timide et rugueuse, mais saura donner un rythme constant à l'ensemble.
Les effets spéciaux sont par contre étonnants, avec des plans sanglants probants et graphiques, comme cet homme scalpé bluffant, et même si les viscères sortis du ventre des proies sembleront bien propres et sortir tout droit de la boucherie du quartier.
Donc, à la condition express de ne pas être réticent à son amateurisme, ce "Décadence" méritera d'être suivi, aussi bien parce que de telles initiatives sont suffisamment rares de ce côté-ci de l'Atlantique pour mériter d'être défendues que pour la volonté transgressive affirmée de Jean-clément Gunter qui livre ici une oeuvre à la déviance malsaine complètement assumée !
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