Pour leur premier film tourné aux États-Unis, les frères Pang (sous la houlette de "Ghost House Pictures", la boîte de production de Sam Raimi) nous livrent avec ce "Les messagers" un métrage certes très classique dans sa forme et fourbu de références, mais parvenant régulièrement à procurer quelques petits frissons (ce qui n'est déjà pas si mal !), tout en détournant avec une certaine réussite certains codes du genre.
Le script suit l'arrivée d'une famille espérant prendre un nouveau départ dans leur nouvelle maison en pleine campagne mais rapidement Jess, une adolescente perturbée par ce déménagement, va commencer à voir et entendre des choses étranges.
Après une courte séquence d'introduction dépeignant le calvaire d'une mère et de ses enfants attaqués par une force mystérieuse dans leur maison, le métrage va introduire ses personnages principaux, la famille Salomon composée des parents, de leur fille Jess et de son petit frère, pour suivre leur arrivée dans leur nouvelle demeure, une petite ferme plus ou moins délabrée perdue au milieu de nulle part. Suivant le schéma classique du genre, l'exploration de l'endroit par Jess tentera avec un certain succès d'installer un petit climat de tension et un premier effet de surprise obligatoire et attendue, avant que l'intrigue ne cherche à approfondir l'exploitation de ses différents protagonistes afin de leur donner une ampleur suffisante pour les rendre attachants, et surtout la jeune Jess dont le point de vue sera clairement adopté par les deux réalisateurs pour une série de situations se refusant heureusement de céder au jeunisme d'usage (avec juste la séquence en "ville" qui flirtera avec les stéréotypes) pour préférer multiplier les scènes propices aux apparitions, mais sans que le métrage ne dévoile trop tôt ses fantômes, ce qui sera fait lors d'une scène très réussie et qui parviendra à ses fins.
Ensuite, tout en jouant sur l'ambiguïté liée à la véracité des visions de Jess et de son petit frère, les seuls à pouvoir voir et entendre les poltergeists, le métrage va poursuivre sur sa lancée et accumuler les séquences essayant de générer des frissons, avec plus ou moins de bonheur selon la prévisibilité des effets agencés, les liant de manière cohérente à l'intrigue globale et se permettant même de bifurquer régulièrement sur les rapports tendus (et pour cause, ce qui nous vaudra une révélation tragique et douloureuse) entre Jess et ses parents et sur le quotidien de la nouvelle vie de la famille à la ferme, celle-ci ayant eu le renfort d'un homme de passage à la recherche de travail embauché par les Salomon, mais même ces passages s'imbriqueront dans une logique d'ensemble qui prendra toute sa dimension lors du twist du dernier acte qui débouchera sur un final quand même facilement anticipable mais remettant en question une bonne partie de l'intrigue, et notamment le but avéré des spectres rendu du coup bien flou et presque contradictoires malgré les éclaircissements apportés.
Bien entendu, au-delà d'un script quelquefois original sur le fond et faisant fi des emprunts flagrants à d'autres oeuvres du genre, ce seront les scènes faisant appel aux fantômes qui assureront l'impact du métrage et cette fois-ci, contrairement aux deux séquelles de "The eye", les frères Pang arriveront à maîtriser certains de leurs effets, provoquant ainsi parfois de petits frissons appréciables en réussissant plusieurs effets de surprise, et même si quelques apparitions resteront téléphonées et ne pourront bénéficier que du look très graphique des spectres pour être visuelles. De plus, les deux réalisateurs n'hésiteront pas à s'appuyer sur des décors tout à fait appropriés, la ferme arrivant à être inquiétante, même entourée de champs de tournesol aux couleurs lumineuses, et les apparitions se feront même en plein jour et dans des endroits variés, s'éloignant de la sorte des traditionnelles séances nocturnes.
Les personnages principaux seront ici assez fouillés pour susciter l'attention et la sympathie du spectateur, surtout que l'intrigue ne révélera que progressivement la source et les motifs de leur désarroi moral et financier les obligeant à tenter ce nouveau départ loin de Chicago, et une interprétation crédible et sans aucun surjouage dans un souci de réalisme viendra encore renforcer l'implication du spectateur, avec notamment la jeune Kristen Stewart parfaite dans le rôle de Jess.
Et heureusement, les frères Pang vont ici délaisser quelque peu leur style tarabiscoté pour oeuvrer dans un classicisme qui ne sera que brièvement perturbé par quelques cadrages étranges.
Les effets spéciaux sont globalement probants, grâce à des maquillages réussis pour les spectres, tandis que l'utilisation du numérique pour la visualisation de certains corbeaux restera très discrète.
Donc, ce "Les messagers" sera plutôt une bonne surprise dans la filmographie des frères Pang en couplant une pertinence visuelle à une maîtrise de leur sujet, et ce malgré des références bien trop évidentes !
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