C’est en cherchant à secouer son spectateur que ce "A l’intérieur" est venu l’année dernière bousculer avec une réussite certaine le cinéma de genre français, et ce malgré son script minimaliste.
En effet, l’intrigue prend au piège dans sa propre maison une jeune femme enceinte à la veille de son accouchement, celle-ci étant devenu la cible d’une mystérieuse femme bien décidée à lui prendre son enfant.
D’entrée, le métrage donne le ton en nous montrant le résultat d’un accident entre deux voitures pour nous faire découvrir le personnage principal, Sarah, une jeune femme enceinte qui seule s’en sortira, perdant ainsi son compagnon, pour une première séquence graphique et crue, avant que nous ne retrouvions Sarah quatre mois plus tard pour une dernière échographie, le 24 décembre, veille du jour choisi par son gynécologue pour la faire accoucher, alors que l’intrigue va ensuite nous faire découvrir rapidement l’univers de cette demoiselle journaliste rebelle, entre sa mère possessive et son rédacteur en chef (trop ?) protecteur, nous permettant ainsi de bien cerner le personnage, aussi bien son chagrin du à la perte du père de son futur enfant qu’à cette solitude forcée la plaçant en marge de la société.
Ensuite, le film va durablement s’installer dans le pavillon de banlieue de l’héroïne pour nous faire suivre son intimité, laissant de la sorte monter une tension insidieuse ( juste quelque peu plombée par ce rêve inutile aux effets numériques ratés) jusqu’à ce que le métrage ne lance véritablement son action en introduisant cette femme qui va sonner à la porte de Sarah, se déclarant en panne de voiture, pour finalement révéler qu’elle connaît Sarah et son histoire, tout en cherchant à pénétrer dans la maison, incitant l’héroïne à appeler la police, ce qui entraînera une fuite provisoire de cette sinistre visiteuse.
Ce sera de manière presque surnaturelle que sera mise en avant cette femme entièrement vêtue de noir et restant dans l’ombre qui viendra importuner une première fois Sarah, celle-ci pensant après le départ des trois policiers être tranquille, va donc se coucher pour se réveiller brutalement alors que l’étrangère aura réussi à entrer dans son pavillon et était prête à lui ouvrir le ventre avec une grande paire de ciseaux, l’obligeant à un court duel brutal qui lui permettra de s’échapper et d’aller s’enfermer dans sa salle de bains.
Une fois sa mise en situation mise en place, on pouvait légitimement craindre que le métrage ne tourne en rond, en ayant que peu de nouveaux éléments à mette en abîme. Mais heureusement, ce ne sera pas vraiment le cas puisque le script parviendra à enchaîner sans temps morts les rebondissements (même si ceux-ci sont parfois quelque peu tirés par les cheveux) alternant un suspense conséquent avec des situations graphiques et ouvertement sanglantes du plus bel effet, arrivant même à littéralement scotcher le spectateur grâce à des effets de surprise imprévisibles et bluffants, jusqu’au dernier acte, quelque peu aléatoire et improbable, mais qui versera également dans un gore plus que généreux mais flirtant quand même avec le grand-guignol.
Remarquablement travaillé jusque dans ses moindres détails, le métrage fonctionnera essentiellement grâce à son côté volontaire lorgnant bien évidemment du côté du cinéma de genre et d’exploitation, culture dans laquelle ont été bercés les deux jeunes réalisateurs, Julien Maury (auteurs de plusieurs courts-métrages) et Alexandre Bustillo, collaborateur du magazine spécialisé dans le fantastique "Mad Movies", et dont les différentes influences demeurent visibles, mais sans jamais ici que les auteurs n’aient cherché le clin d’œil facile ou la référence directe, laissant plutôt l’intrigue se charger de s’en accommoder avec un bonheur évident, et les quelques allusions au contexte social français et les problèmes des banlieues ne viendront heureusement pas polluer inutilement l’ensemble.
Si l’aspect graphique contribuera à élever le film dans son ensemble, avec des séquences mémorables et d’un gore appuyé aussi douloureux que sévère et parfois teinté d’un sadisme envers les souffrances subies par cette jeune femme enceinte, les personnages y participeront également, notamment Sarah, dont le chemin de croix sera bien sûr éprouvant, qui grâce à une présentation intimiste deviendra rapidement attachante, tandis que la femme restera suffisamment mystérieuse et intrigante pour alimenter des questionnements qui ne trouveront une réponse finalement assez basique qu’à l’issue du film.
L’interprétation est ici convaincante, surtout Alysson Paradis qui reste parfaitement crédible en femme enceinte jusqu’aux yeux, alors que Béatrice Dalle sera bien impliquée dans son rôle.
La mise en scène des deux réalisateurs est efficace, en ne se vautrant pas dans une débauche d’effets superflus pour juste parsemer le métrage de prises de vues audacieuses.
Les effets spéciaux ont bénéficié d’un soin particulier pour devenir réalistes et plus que généreux dans un gore franc et direct, sauf lorsque le numérique prend le relais pour un résultat plutôt douteux.
Donc, ce "A l’intérieur" prouvera enfin, et de belle manière, que le cinéma de genre peut exister dans France, au travers d’un métrage respirant l’amour du genre sans que cela ne l’empêche pour autant d‘être percutant !
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