Keoma :
Western italien tardif réalisé par l’inégal Enzo G. Castellari en 1975 (auteur notamment d’un western-spaghetti remarqué, Django porte sa croix, et d’un polar sublime, Racket), Keoma est un chant du cygne. C’est un film crépusculaire et tragique, aux limites du fantastique, qui narre dans une ambiance lourde et mortuaire un combat fratricide. Porté par l’excellente performance de Franco Nero (inoubliable interprète de Django, de Sergio Corbucci), Keoma se déroule dans un climat déliquescent, dans une ville abandonnée, boueuse et contaminée par la peste, où tout espoir a été banni. La mort, représentée par les apparitions de la vieille femme, y est omniprésente. Bercé par une très belle partition chantée funèbre signée par les frères de Angelis, Keoma aborde également plusieurs thèmes, comme l’inutilité de la guerre ou la perversité des liens familiaux. Par ailleurs, le film fait parfois preuve d’une émotion touchante, comme cette magnifique scène entre Keoma et son père (interprété par William Berger). Et le dernier plan fait froid dans le dos, tout en étant peut-être le début d’une nouvelle ère de liberté (?). Bref, Keoma est l’un des tous derniers grands westerns italiens, qui a donné naissance à un film-jumeau plutôt réussi réalisé par Sergio Martino, Mannaja.
9/10
El Chuncho :
Superbement mis en scène en 1966 par le solide Damiano Damiani, spécialiste du polar et auteur entre autres des tétanisants La mafia fait la loi et Confessions d’un commissaire de police au procureur de la république, El Chuncho est le premier western italien qui a utilisé le genre pour exprimer une sensibilité politique. Reposant sur le schéma désormais classique du mercenaire étranger manipulant un brave péon mexicain qui finit par prendre conscience de sa condition et se révolter, El Chuncho a été écrit par Franco Solanas, grand scénariste italien fortement ancré à gauche qui a aussi donné naissance au sublime Colorado de Sergio Sollima mais également aux classiques que sont La bataille d’Alger et Kapo de Gillo Pontecorvo et Salvatore Giuliano de Francesco Rosi, ce qui explique le côté polémique et engagé du film. En effet, El Chuncho critique violemment les Etats-Unis, notamment par le biais du personnage ambigu et fourbe interprété avec conviction par Lou Castel qui n’hésite pas à manipuler le pauvre bougre sans éducation joué par l’excellent Gian Maria Volonte. Il en résulte un pamphlet virulent contre la politique d’ingérence des Etats-Unis, qui pousse clairement à la révolution les peuples opprimés, ici le Mexique. Mais El Chuncho est aussi un film d’action haletant, qui débouchera sur la prise de conscience du personnage interprété par Volonte et sur la célèbre réplique finale du film : « N’achète pas du pain, mais achète de la dynamite ! ». Damiani reviendra une seule fois au western avec le sympathique et parodique Un génie deux associés une cloche. Mais El Chuncho, rythmé par une superbe partition de Luis Bacalov, reste sa réussite la plus éclatante dans le genre, qui a ensuite été suivi par de nombreux westerns zapata usant le même thème jusqu’à la corde.
9/10
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