Les amants :
Réalisé en 1958 par le grand cinéaste français Louis Malle, auteur des magnifiques Lacombe Lucien ou encore Le feu follet, Les amants fit scandale lors de sa présentation au festival de Venise à cause de certaines séquences soi-disant érotiques (elles paraissent bien prudes aujourd’hui !), d’autant plus que certains pensaient que le jeune cinéaste faisait l’apologie de l’adultère.
Magistralement interprété par Jeanne Moreau, le film vaut bien plus que ce parfum de scandale. C’est un passionnant témoignage sur la vie provinciale de l’époque, que Malle décrit avec toute sa rigueur documentaire, tout en étant un superbe portrait de femme libérée, qui n’est plus victime mais qui choisit son amant.
Dans un ton très Nouvelle Vague française, Les amants se permet de très belles scènes d’amour entre Jeanne Moreau et Jean-Marc Bory qui frappent encore aujourd’hui non par leurs parfum de soufre mais par leur esthétique très soignée. Le visage de Jeanne Moreau a rarement été aussi bien éclairé, lui donnant une expression de plaisir fort réaliste.
Les images de Henri Decae sont d’un raffinement extrêmes, renforcées par la musique de Brahms, ce qui donne à cette liaison adultère une force étonnante.
Film sur l’amour et aussi sur la liberté, Les amants est superbement mis en scène par Louis Malle, parant cette histoire d’une grâce et d’une fluidité remarquables.
Le film est également très critique envers une société bourgeoise particulièrement rétrograde et conservatrice, qui corsète les sentiments au lieu de les faire éclater.
Au final, Les amants n’est pas le meilleur film du cinéaste français (seulement âgé de 26 ans lors du tournage !), mais ce métrage, véritable ode à l’amour, reste une œuvre très poétique qui mérite amplement l’attention et qui fait preuve d’une sensibilité vibrante.
9/10
Ascenseur pour l'échafaud :
Premier film réalisé en 1957 par Louis Malle (qui avait 25 ans à l’époque du tournage et qui avait seulement co-réalisé avec Jacques-Yves Cousteau le film documentaire Le monde du silence), Ascenseur pour l’échafaud est une éclatante réussite.
Adapté d’un roman policier écrit par Noël Calef, le film de Louis Malle est d’une grande maîtrise visuelle, d’autant plus qu’il s’agit d’un premier film. Interprété magistralement par Jeanne Moreau et Maurice Ronet, Ascenseur pour l’échafaud est une œuvre d’une grande noirceur, où la fatalité rôde. Récit de deux amants (Moreau et Ronet, donc) qui décident de se débarrasser du mari encombrant, le film instaure une atmosphère tendue qui ne lâche jamais le spectateur.
Bâtissant le suspense sur la poisse qui poursuit le héros joué par Ronet, Ascenseur pour l’échafaud devient vite étouffant, insoutenable. Alors que le crime devait être quasi-parfait, rien ne se passe comme prévu, entraînant un enchaînement absurde de circonstances qui ne peut que déboucher sur la culpabilité du couple adultère.
Brillamment mis en musique par Miles Davis (improvisée et jouée directement), le film ne laisse aucun échappatoire à ses deux héros, surtout le personnage de Ronet, poursuivi par une fatalité inéluctable.
Rigoureux et tragique, Ascenseur pour l’échafaud est une œuvre envoûtante, qui se rapproche par son ambiance des films noirs américains, d’autant que Louis Malle se garde bien de juger ses personnages.
C’est le premier film de Malle et un coup de maître, qui n’a rien perdu aujourd’hui de son pouvoir de fascination.
9,5/10
Le feu follet :
Réalisé en 1963 par le grand cinéaste français Louis Malle, adapté du roman éponyme de Drieu La Rochelle, Le feu follet est une des plus grandes œuvres de son auteur.
Magnifiquement interprété par Maurice Ronet dans le rôle d’Alain Leroy, le film est une méditation douloureuse sur le mal de vivre et sur l’acte de suicide.
Pourtant, Alain Leroy a tout pour être heureux mais un vide existentiel s’empare de lui et ne lui donne plus l’envie de vivre. Il constate avec effroi le néant de son existence et ne peut le supporter.
Dans ce film sombre et pessimiste qui se déroule sur une journée, Louis Malle suit sans juger l’errance de cet homme, âme en peine qui ne croit plus à la beauté de la vie et qui décide de mettre fin à ses jours.
Encore jeune mais regrettant déjà la fuite de sa jeunesse et du temps, Alain Leroy veut devenir immortellement jeune en se tuant. La mort, c’est le retour à la vie de Leroy, sa renaissance, le seul geste vraiment courageux qu’il aura fait dans une existence programmée, sans surprise, vide de sens.
Au rythme des sublimes Gymnopédies d’Erik Satie, Leroy erre dans Paris et regarde ce qui l’entoure, comme ces sublimes plans muets de visages de femmes…
Filmé dans un majestueux noir et blanc, Le feu follet crée un malaise insidieux, terrifiant, mais s’autorise d’admirables images poétiques.
Complètement épuré, c’est incontestablement un chef d’œuvre qui mérite d’être vu et revu, à condition de ne pas être hermétique à l’atmosphère lancinante et mortuaire du film, et qui demeure un des sommets artistiques de la filmographie de Louis Malle.
10/10
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