Youcef :
Avec Youcef, qui reprend le prénom du principal protagoniste du film, Mohammed Chouikh, réalisateur algérien, s'intéresse une fois de plus à l'histoire de son pays. Ayant passé plusieurs années en hopital psychiatrique après avoir combattu lors de la guerre d'Algérie, Youcef s'enfuie du lieu où il est enfermé. Il se retrouve dans une Algérie qui a bien changé puisque les accords d'Evian, marquant la fin des hostilités entre la France et le FLN (18 mars 1962), ont été signés depuis longtemps. L'Algérie est donc un pays libre. Mais Youcef est le seul à être persuadé que la guerre n'est pas finie. Ce personnage est hanté par ses souvenirs de la guerre d'Algérie (nombreux flashbacks du film) et il tente par tout moyen de servir son pays. Mais son pays a changé, les valeurs qu'il avait alors connues (fraternité, entraide) ont alors disparu pour laisser place à des valeurs soit individualistes (naissance du capitalisme) soit rétrogrades (la femme est sous la coupe de l'homme, il n'est point question d'égalité, loin de là). Si Youcef apparaît comme un être déphasé dans cette société qui a évolué, il n'empêche que c'est le personnage le plus pur et le plus désintéressé. En cela, on peut penser que Youcef sert d'intermédiaire pour le réalisateur, afin de montrer cette société algérienne qui est gangrénée. En poussant un peu loin la démonstration, on peut penser que Youcef représente quelque part le messie, venu sauver un monde en perdition. Mais comme souvent dans ce cas, la fin peut être tragique La dernière scène du film est de ce point de vue très claire.
9/10
L'arche du désert :
Avec l'arche du désert, le réalisateur algérien Mohammed Chouikh fait explicitement référence à L'arche de Noé. Sauf que dans son film, on assiste plutôt à l'inverse du mythe de Noé. En effet, dans ce film, des ethnies très différentes cohabitent dans un endroit où l'eau, denrée rare, coule. De simples baisers entre Myriam et Amin, vont provoquer l'embrasement de cette communauté. Des conseils de « sages » ont beau être convoqués, on constate que c'est évidemment l'ethnie la plus forte qui a le dernier mot. Ce film montre la folie des hommes pour un problème qui aurait pu se régler très rapidement. Les enfants et les femmes, très lucides dans cette affaire, ne peuvent rien faire et assistent malgré elles à toute une série de violences. La cohabitation d'ethnies différentes est très difficile comme le montre ce film (la notion de racisme est sous-jacente). Ce n'est donc pas une arche de Noé, censée sauver du déluge toutes les espèces animales, que nous montre Mohammed Chouikh mais une arche du désert où les dunes ont remplacé les eaux et où les coeurs des hommes se sont asséchés. Il n'y a finalement dans cette entreprise que peu de personnes qui s'en sortent : c'est notamment le cas de cet enfant qui quitte cette communauté pour tenter de rallier une communauté où l'on ne brûle pas les maisons et où l'on ne tue pas les enfants.
8,5/10
La citadelle :
Film le plus célèbre de Mohammed Chouikh, un réalisateur algérien, La citadelle s'avère un excellent film. Et pour une raison simple : c'est un véritable film de militant engagé. En effet, La citadelle montre que l'Algérie actuelle (le film date de 1988) n'a pas évolué d'un pouce en terme sociétal. Elle croule toujours sous le poids de traditions où l'homme prend la femme comme un objet, comme un sous-être humain. Le film, brillant réquisitoire contre le régime social actuel, s'ouvre et se ferme par une cérémonie de mariage. Il montre que surtout les gens (hommes et femmes d'ailleurs) sont véritablement formatés. Dans une cérémonie de mariage, où l'ensemble du village est concerné, l'homme se doit de montrer qu'il est supérieur à la femme. Raison pour laquelle il frappe une femme (voilée) qu'il découvre pour la première fois. La femme est le joug de l'homme et n'a pas son mot à dire. D'ailleurs, plusieurs femmes doivent partager leur mari puisque, selon le Coran, comme elles le disent elles-mêmes, l'homme peut avoir jusqu'à 4 femmes, s'il est capable de les entretenir. La polygamie est donc parfaitement autorisée en Algérie. Par contre, quinconque ne rentre pas dans le moule peut en faire les frais. C'est le cas du « héros » du film, qui est le référent du spectateur, qui se refuse à maltraiter la femme et qui pourtant, à la fin, finit par être formaté comme les autres. Au terme d'une scène finale proprement ahurissante et tétanisante, Mohammed Chouikh nous montre que la condition de la femme en Algérie est encore loin d'une évolution positive. Les pleurs et les tentatives de révolte d'une petite fille sont on ne peut plus clair.
9/10
Au final, on a droit à trois excellents films du réalisateur algérien Mohamed Chouikh qui, hélas bénéficient de copies de piètre qualité.
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