Carrie :
Œuvre-charnière que le grand cinéaste américain Brian De Palma, auteur des remarquables Sisters, Phantom of the paradise ou plus récemment L’impasse, réalise en 1976, Carrie au bal du diable est une adaptation très fidèle du premier roman de Stephen King.
Superbement mis en scène, Carrie permet à De Palma de dresser un admirable portrait d’une adolescente mal dans sa peau (Sissy Spacek, étonnante), éternelle souffre-douleur de ses camarades de classe, qui découvre qu’elle devient une femme. Persécutée par ses proches, Carrie se voit affubler du don de télépathie qui lui permet de déplacer les objets à distance. Après avoir cherché à s’intégrer, elle décide de se venger…
Brian De Palma enchaîne avec une incroyable virtuosité les séquences, rendant hommage à son maître, le grand Alfred Hitchcock, notamment dans la scène de douche du début du film, sauf que l’eau s’est transformé en sang (les règles de Carrie), élément déclencheur de l’inexorable apocalypse finale.
De Palma en profite également pour critiquer férocement le rigorisme religieux, personnalisé par la terrifiante mère de Carrie (incarnée par une impressionnante Piper Laurie), très en vogue aux Etats-Unis, pays très croyant. Bafouée, trompée, humiliée, étouffée par l’éducation stricte de sa mère qui considère l’acte sexuel comme une calamité, Carrie va finalement accomplir son destin dans une exceptionnelle scène finale entraînant la mort de presque tous les personnages, y compris sa mère (dans une crucifixion culte) et elle-même.
Le seau de sang qui tombe sur Carrie lors de son pseudo-couronnement en tant que reine de la soirée lors du bal de fin d’année fait écho au sang s’écoulant entre les cuisses de Carrie au début du film (ses règles), bouclant ainsi la boucle et permettant à la frustration sexuelle de notre héroïne de se déchaîner dans une apothéose infernale, renvoyant tout le monde dans une symphonie de la mort.
Sous des allures de film d’épouvante, Carrie est en fait une étude très poussée du mal-être des adolescents, où Brian De Palma fait éclater tout son talent, dans un maelström de scènes baroques, utilisant notamment judicieusement le split-screen (écran divisé) qui permet notamment de voir simultanément la cause et la conséquence des choses, évoquant de manière plus générale une certaine frustration de l’Amérique. Souvent copié mais jamais égalé, Carrie est incontestablement une des œuvres les plus abouties de De Palma, portée par l’interprétion habitée de Sissy Spacek et justement récompensée par le grand prix du festival du film fantastique d’Avoriaz 1977.
10/10
Pulsions :
Démarquage passionnant du célèbre Psychose d’Alfred Hitchcock, Pulsions a été réalisé en 1980 par le grand cinéaste américain Brian De Palma, auteur des excellents Carrie, Blow out ou encore Les incorruptibles. De Palma porte à son paroxysme la technique d’Hitchcock qui morcelle les corps dans une terrifiante scène de douche où le génial cinéaste annonce la mort future à coups de couteau du personnage prénommé Kate et interprété par Angie Dickinson. Bien que cette séquence ne soit qu’un leurre , elle annonce son meurtre sauvage dans l’ascenseur, mis en scène avec une incroyable virtuosité, où les coupes effectuées dans la scènes de la douche sur le corps nu de Kate, que le spectateur ne distinguera que par parties, feront écho aux multiples coups de rasoir qui déchireront plus tard ce corps du crime.
On voit nettement que De Palma explique le délit par des composantes fortement sexuelles, qui sont un des thèmes principaux de son œuvre. Et dans un style d’une grande fluidité (comme la scène où Kate se fait filer dans un musée par un inconnu, instaurant un climat malsain). Ce qu’Hitchcock ne pouvait montrer à cause de la censure, De Palma le lance à la face du spectateur, dans un ton d’une trivialité parfois étonnante. Oscillant sans cesse entre le classieux et le vulgaire, Pulsions, comme d’autres œuvres marquantes de De Palma à l’instar du génial Body double, fait preuve d’une très inquiétante schizophrénie, qui est en fait celle de l’assassin.
Magistralement interprété par Michael Caine et Nancy Allen, Pulsions entraîne le spectateur dans un univers à deux faces, en contradiction permanente, qui est tout simplement l’image duale du monde contemporain.
Sur une superbe bande-son lancinante de Pino Donaggio, De Palma joue également comme à son habitude sur la signification des images, ces images qui ne sont jamais vraiment complètement celles que l’on voit ou croit voir. Maintenant un suspense constant, promenant le spectateur dans un labyrinthe mental qui n’est que la personnalisation de l’esprit dérangé du tueur, Pulsions garde de bout en bout une tension qui s’accroît progressivement.
C’est assurément une œuvre majeure de De Palma, qui mérite plusieurs visions pour en comprendre tous les tenants et aboutissants.
10/10
Blow out :
Réalisé en 1981 par le grand Brian De Palma, Blow out est une variation très intéressante sur le célèbre Blow up de Michelangelo Antonioni, sauf que le son a ici remplacé l’image.
En effet, dans Blow up, une photo semble faire penser qu’un meurtre a été commis est agrandie, et plus elle est agrandie, plus elle devient trouble, donc moins le meurtre est discernable. Dans Blow out, c’est un son qui semble faire penser qu’un crime a été commis.
Mais De Palma en fait un film très personnel, peut-être même l’un de ses plus personnels.
Superbement interprété par John Travolta et Nancy Allen, Blow out est surtout une déchirante histoire d’amour. Si on retrouve évidemment toute la virtuosité du cinéaste américain, l’atmosphère fataliste et le lyrisme qui se dégage du film en font une très grande réussite et démontrent que De Palma est parfaitement capable d’émouvoir.
La fabuleuse séquence finale est l’une des plus impressionnantes et des plus intenses scènes réalisées par De Palma, d’un suspense quasi-insoutenable, que seule la séquence finale du magistral L’impasse (du même De Palma) égalera en terme de suspense et d’émotion.
Et le dernière phrase du film (ceux qui l’ont vu comprendront, car je ne veux spoiler) prononcée par Travolta restera longtemps dans la mémoire du spectateur : « c’est ça, un cri… ».
Dernier film de ce qu’on peut appeler la première période de De Palma, le cinéaste américain explorera ensuite d’autres contrées cinématographiques, comme ses célèbres Scarface ou Les incorruptibles, tout en gardant sa virtuosité intacte.
9/10
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