Je rentre à la maison :
Manoel de Oliveira est le fer-de-lance du cinéma d’auteur portugais. Avec Je rentre à la maison, il réalise un de ses films les plus personnels. Il faut dire que la thématique du film s'y prête pour beaucoup. Je rentre à la maison traite du deuil et de la solitude avec ce comédien de théâtre, Gilbert Valence (joué par le toujours excellent Michel Piccoli), qui perd du jour au lendemain à cause d'un accident son épouse, sa fille et son beau-fils. Il ne lui reste plus que son petit-fils qu'il partage avec son autre passion, le théâtre. Le film est d'ailleurs une mise en abîme du cinéma avec ces nombreuses scènes de théâtre et le fait de tourner un film dans le film. Si la thématique est donc intéressante, le traitement est pour moi beaucoup moins intéressant. En effet, j'ai quelques peu du mal avec les nombreuses scènes de théâtre et les nombreux plans fixes. Le plaisir de suivre le quotidien Michel Piccoli dans ce rôle s'en trouve donc altéré. En somme, Je rentre à la maison est un film d'auteur profond, avec des thématiques importantes mais dans lequel j'ai du mal à rentrer.
Note : 7/10
Non ou la vaine gloire de commander :
Non ou la vaine gloire de commander est un brillant réquisitoire contre la guerre. Le premier mot du titre est d’ailleurs un palindrome (il peut se lire à l’endroit ou à l’envers) qui prend rapidement tout son sens : la guerre est inutile et vaine. Seuls les gens épris de pouvoir sont à même de légitimer cet acte illégitime et insensé. Le film, très politique et philosophique, permet à tout un chacun de s’interroger sur le sens de l’histoire et du nationalisme.
Le film se déroule en Angola (rappelons que le réalisateur est portugais et que l'Angola est une des anciennes colonies du Portugal), en 1974, où une patrouille isolée de soldats portugais s’interroge sur la justification de la guerre.
Cette interrogation est d’autant plus grande que ces soldats sont venus défendre l’Angola, une terre qui n’est pas leur patrie mais une colonie du Portugal.
Entouré d’autres soldats, le lieutenant Cabrita (joué par l’excellent acteur Luis Miguel Cintra) leur raconte quelques grandes batailles perdues qui ont jalonné l’histoire du Portugal. A travers notamment les exemples la défaite de Viriathe le Lusitanien face aux Romains, l’échec de l’unification de la péninsule ibérique au XVème siècle par le roi Jean II ou encore le drame stratégique de la bataille d’Alcacer Quibir, le lieutenant Cabrita montre que la nation portugaise (mais en fin de compte l’humanité dans son ensemble) se construit sans cesse sur des ruines. Le lieutenant Cabrita n'a finalement de sympathie que pour les aventuriers (très belle scène onirique) car ce ne sont pas des destructeurs. Le récit s’achève par la mort de Cabrita le 25 avril 1974, date de la Révolution des Œillets. Un grand film anti-guerre à voir absolument.
10/10
Val Abraham :
Avec Val Abraham, le grand réalisateur portugais Manuel De Oliveira livre a 85 ans une libre adaptation du chef d’œuvre de Gustave Flaubert « Madame Bovary ». Val Abraham, est l’histoire d’Ema (avec un M et pas deux) une beauté « fatale » mariée sans amour et passion à un médecin. Objet de désir pour la gente masculine, elle inspire aux hommes le surnom de « petite Bovary » et connaîtra l’amour de 3 amants. Ema erre dans l’aristocratie portugaise avec cette figure presque spectrale, au regard mystérieux et figé (on pense à cette scène sublime Ema face au miroir éclairé à la bougie). Il s’agit d’un film sur les non-dits plein de sens, où les êtres sont enracinés dans des conventions, celles de l’aristocratie portugaise de Porto (ville de Oliveira). La société que nous décrit Oliveira est loin d’être angélique. Bien que ce monde nombriliste et aristocratique vive dans des cadres idylliques (on pense au domaine magnifique et les intérieurs baroques) et « pense le monde », leurs mots sont vains ils parlent pour parler. En fin de compte, il s'agit d'un film sur l’aridité des sentiments, sur des états âmes qui balancent. Un chef-d'oeuvre à voir.
10/10
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