Réalisé en 1974 par le grand cinéaste américain Alan J.Pakula, auteur notamment des excellents Les hommes du président, Klute ou encore Le choix de Sophie, A cause d’un assassinat (The Parallax view en version originale) est un passionnant thriller politique et paranoïaque, dans la lignée des chefs d’œuvre de John Frankenheimer comme Seconds ou encore Black Sunday. Magistralement interprété par Warren Beatty dans le rôle d’un journaliste trop curieux, le film de Pakula est d’une grande complexité, égarant le spectateur dans une intrigue labyrinthique et vertigineuse que la superbe mise en scène du réalisateur met en valeur. A cause d’un assassinat plonge le spectateur au cœur d’une trame politique dont les ramifications débouchent progressivement sur l’existence (ou non) d’un complot d’envergure nationale et visant à éliminer les hommes politiques trop influents. Mais la grande qualité du film est de ne jamais rien expliquer, laissant d’immenses zones d’ombre petrmettant au spectateur d’interpréter les signes à sa façon.
La mise en scène de Pakula utilise magnifiquement l’espace, qu’elle quadrille de toutes parts, entre verticalité, horizontalité et perspectives se prolongeant à l’infini. Au cœur de ce système parfaitement organisé, Warren Beatty est le grain de sable qu’il faut éliminer, grain de sable se promenant librement entre lignes horizontales et verticales, perturbant le fonctionnement trop bien huilé des institutions.
Constamment à la limite de l’abstraction, la mise en scène de Pakula est particulièrement oppressante : le héros semble surveillé en permanence, dans ses moindres faits et gestes. Par qui ? Par quoi ? A cause d’un assassinat ne répond pas à ces questions, mais crée un univers paranoïaque terrifiant, renforcé par l’extrême froideur des plans et des décors.
Car le film de Pakula ne traite finalement que d’une chose : le pouvoir. Alors qu’auparavant, dans le cinéma hollywoodien classique, le pouvoir était incarné par une personne de chair et de sang, ce pouvoir a aujourd’hui muté : il ne se trouve plus entre les mains d’une seule personne reconnaissable, mais de plusieurs qui resteront à jamais dans l’ombre. La menace peut alors survenir de n’importe où, n’importe quand. Le pouvoir est devenu une pure abstraction, surpuissante et indétrônable. Une abstraction impossible à arrêter, car se fondant au sein de multiples organisations, permettant ainsi de diluer les responsabilités…
Warren Beatty a beau chercher la vérité, il ne fait qu’ouvrir une série de portes, qui s’ouvrent sur d’autres portes, à l’infini. Qui est responsable ? Aucune réponse ne pourra être faite, notre héros ne pouvant que constater la monstrueuse vérité, de manière impuissante, sans jamais trouver aucune preuve concrète. Pakula est finalement très proche ici du génial Kiss me deadly / En quatrième vitesse de Robert Aldrich.
Sublime thriller politique, A cause d’un assassinat est une œuvre majeure du cinéma américain des années 1970, qui démontre avec une incroyable force de persuasion la toute-puissance et les méandres complexes du pouvoir absolu. Un film indispensable.
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