Réalisé en 1979 par le solide artisan John Badham, auteur entre autres du populaire La fièvre du samedi soir, de l’excellent WarGames ou encore du très amusant Etroite surveillance, cette version de Dracula, librement adaptée du célèbre roman de Bram Stoker, est l’une des plus méconnues mais aussi l’une des plus réussies.
Très loin de l’interprétation théâtrale de Max Schreck dans le chef d’œuvre expressionniste de Murnau, Nosferatu, et de celle de Bela Lugosi dans le classique de Tod Browning, le Dracula de John Badham se rapproche plutôt de celui des films de la Hammer immortalisé par Christopher Lee, notamment le génial film de Terence Fisher, Le cauchemar de Dracula, dans lequel le célèbre comte est une sorte de Don Juan décadent.
Très influencé par l’ambiance gothique des films de la Hammer, le film de Badham a été tourné dans une sorte de sépia, don nant une atmosphère très particulière et très poétique, constamment nimbée de brume et de brouillard. En outre, il bénéficie d’une interprétation très inspirée de Frank Langella dans le rôle-titre, qui fait de Dracula un séducteur décadent encore plus marqué que le Dracula créé par Christopher Lee.
Rythmé par une magistrale bande-son symphonique de John Williams (peut-être sa plus belle partition), le Dracula de Badham est centré sur l’histoire d’amour entre Dracula et Lucy Seward (joliment interprétée par Kate Nelligan). Il en résulte un très beau film romantique, où les relations entre Dracula et Lucy se teintent d’un certain sado-masochisme. Le film fourmille de trouvailles visuelles, comme la scène d’amour entre Dracula et Lucy, où les deux corps sont filmés dans un rouge flamboyant irréel, détonnant avec l’ambiance sombre et gothique du métrage.
Magnifiquement réalisé et interprété (le casting se compose aussi des grands Donald Pleasence dans le rôle du docteur Seward et Laurence Olivier dans celui de Van Helsing), le Dracula de John Badham mérite amplement le détour et a sans aucun doute beaucoup inspiré le Dracula de Coppola, ne serait-ce que par la relation ambiguë qui s’établit entre Dracula et Lucy. Œuvre à part dans la filmographie de Badham, c’est l’un des plus étranges et passionnants Dracula jamais réalisés, qui se clôt sur une magnifique scène démontrant que le spectateur assiste bel et bien à une superbe histoire d’amour et non à un film d’épouvante.
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