Efficacement mis en scène en 2005 par la documentariste américaine Barbara Koople et écrit par le scénariste Stepehn Gaghan, auteur du scénario de l’excellent Traffic de Soderbergh et réalisateur du très bon Syriana, Jeux de gangs se présente au premier abord sous la forme du teen movie mais va progressivement s’ingénier à en pervertir les règles.
Le film suit l’itinéraire de deux adolescentes issues des quartiers huppés des banlieues de Los Angeles, Allison (Anne Hathaway, belle et convaincante) et sa meilleure amie Emily (Bijou Phillips, belle et convaincante aussi), qui cachent leur désoeuvrement et leur ennui en copiant l’attitude et le look de la culture hip hop des quartiers défavorisés. Elles vont alors se retrouver violemment confrontées au choc des cultures.
Par sa thématique et son style quasi-documentaire (Kopple est avant tout une documentariste), Jeux de gangs s’avère un film assez transgressif qui constate avec force les inégalités sociales. Entre la jeunesse dorée de Beverly Hills qui copie sans vergogne le look « caillera » chic entretenu par la télévision et les labels de disque et la réalité du ghetto parqué au centre-ville de Los Angeles (« downtown »), où les gens s’entassent comme des bêtes et sont prêts à tout pour survivre, le fossé ne cesse de se creuser, délimité par une ligne abstraite infranchissable, où la culture et le mode de vie sont totalement différents.
Par ailleurs, le film dresse aussi le portrait sans concession d’une jeune fille, Allison (Anne Hathaway) qui a tout (la beauté, l’argent, l’éducation,… ) et qui pourtant se cherche en voulant des sensations toujours plus fortes. L’idée du home movie réalisé par un étudiant sur Allison est excellente, permettant de confronter cette jeune fille face à sa propre futilité qui redevient alors un personnage de chair et de sang et plus une gravure de mode. Allison, se présentant comme une pseudo-icône sûre d’elle, provocatrice, sexuelle et trash, n’est finalement qu’une jeune fille mal dans sa peau, esclave du paraître et en proie au doute. De « bidon » (comme la définit le personnage du dealer interprété par le toujours excellent Freddy Rodriguez), Allison redevient humaine, et donc attachante. Si les plans finaux insistent sur le fossé demeurant infranchissable entre les quartiers huppés et le ghetto, Jeux de gangs se clôt sur la prise de conscience d’Allison, allant vers un futur incertain mais ayant retrouvé une identité.
Jeux de gangs se révèle au final un film méconnu qui dépasse allègrement les conventions du teen movie.
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