Avec ce "Edmond", le réalisateur Stuart Gordon délaisse une nouvelle fois, après son "King of the ants", le fantastique pour nous livrer une oeuvre sombre, d'une noirceur absolue suivant la descente aux enfers d'un quadragénaire ayant brusquement perdu tous ses repères.
En effet, le script suit la folle virée nocturne d'un homme ayant décidé de changer de vie et venant de larguer son épouse, entre arnaques et mauvais plans pour finalement voir l'agneau se transformer en loup.
Le métrage se s'attarde guère sur la présentation de son personnage principal, juste le temps de situer sa position sociale assez aisée, au travers d'une sortie de bureau anonyme qui emmènera mon homme, le Edmond du titre, chez une voyante où il apprendra qu'il n'est pas à sa place dans sa vie.
Ensuite, et après une scène franche et directe nous faisant suivre la rupture de ce Edmond avec son épouse, nous suivrons le personnage principal dans ses pérégrinations nocturnes dans les quartiers chauds de New-York, à la recherche d'une fille facile, ce qui entraînera bien des péripéties parfois souriantes ( la crédulité et l'avarice d'Edmond ), mais également désenchantées et sordides lorsque le héros pénétrera dans des lieux de vices glauques et mal famés.
Au travers de ces rebondissements, l'évolution d'Edmond et sa transformation de plus en plus visible se feront sentir, avec comme point de non-retour l'agression dont il sera victime, lui faisant ainsi complètement "péter les plombs" pour se mettre à agir et à parler avec une franchise sans teint, la proie devenant alors prédateur.
Au-delà de l'aspect graphique et jusqu'auboutiste de la première partie du métrage, ne prenant pas de gants pour évoquer l'industrie du sexe jusque dans ses moindres détails vils et démontrant bien l'intérêt unique porté à l'argent, ce sera la seconde moitié du film qui marquera les esprits, par plusieurs séquences violentes, saupoudrées d'un zeste de gore, et surtout par le discours virant au monologue tenu par le personnage principal, direct sur la condition humaine moderne et sur la misérabilité de l'existence, même si les relents de racisme avancés sans aucune fausse pudeur pourront choquer certains, le réalisateur osant faire clamer à son personnage ce que bien des gens pensent.
Mais au travers de ce personnage, Stuart Gordon nous interroge également sur notre existence, sur notre volonté et notre capacité à s'évader et à rêver dans une quête d'idéal, pour finalement faire redescendre tout le monde sur terre dans son dernier acte, signe de rédemption très spécial" où l'ironie de la situation n'échappera à personne.
Et d'ailleurs, même si le propos du métrage a de quoi faire froid dans le dos et désabuser le spectateur, l'ironie restera bien la pièce maîtresse et le leitmotiv du parcours d'Edmond, en étant omniprésente mais toujours discrète pour mieux avancer la situation de détresse morale dans laquelle se trouve le personnage, finalement très conscient et réaliste sur son existence.
L'interprétation est excellente, bien entendu largement dominée par un William H. Macy bluffant et toujours crédible dans un rôle pourtant "dangereux" qui aurait pu sombrer dans le ridicule, alors que les seconds rôles, joués par un nombre importants de "têtes connues" sont également bien campés.
La mise en scène de Stuart Gordon est efficace et sans fioriture, afin de bien ancrer son métrage dans un réalisme froid.
Donc, ce "Edmond", s'il pourra désarçonner les amateurs de la période lovecraftienne de son auteur, s'avérera être au final vraiment étrange, trouble et bien dérangeant, pour continuer à hanter son spectateur bien après sa vision !
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