James Gray nous fait découvrir le quartier de Brighton Beach à Long Island où les inscriptions sont en cyrillique et où vit une importante communauté de Russes émigrés en contact avec les activités d'une mafia slave. Le mérite du film ne réside pas tant dans la peinture au demeurant fort convaincante d'un milieu peu traité au cinéma que dans l'approche du sujet, un ton feutré et grave, une manière intimiste de montrer la violence. Un père rigoriste qui a réprimé les émotions, une mère qui se meurt du cancer, un fils aîné interdit de séjour chez lui et son frère cadet curieux de connaître le monde qu'il fréquente : Gray explore ce quadrilatère familial avec un sens rare du ton juste, sans jamais se livrer au paroxysme que le sujet permettait. A la différence des Italo-Américains fascinés par la violence qu'ils mettent en scène, le cinéaste s'interroge ici sur les conséquences de cette violence et imprime dans notre souvenir des scènes fortes comme celle où le truand s'apprête à tuer son père dans un champ enneigé, l'humilie dans une attente insoutenable avant de le laisser là, prostré dans la lumière hivernale. L'interprétation, Tim Roth et Edward Furlong en particulier, est au diapason.
|