Réalisé en 1968 par le jeune Michael Reeves, un jeune auteur anglais dont c'était à vingt-cinq ans son troisième film, mais qui devait hélas décéder peu de temps après, ce "Grand inquisiteur" ajoute à son récit d'aventures historiques palpitant une bonne dose de sadisme parfois terriblement graphique pour l'époque, tout en offrant à Vincent Price un de ses plus grands rôles.
Le script suit les méfaits d'un homme, s'étant auto-proclamé inquisiteur, et de son acolyte, pendant la guerre civile anglaise du dix-septième siècle, qui va au nom du Seigneur condamner et exécuter tous ceux qui seront accusés de sorcellerie par la population superstitieuse, mais qui va se trouver face à un soldat désireux de venger sa bien-aimée, humiliée par les deux hommes et dont l'oncle, un prêtre, à été assassiné sous couvert d'avoir pactiser avec le Diable.
Après une séquence d'introduction, impressionnante et graphique, nous montrant l'exécution par pendaison d'une femme accusée de sorcellerie par un prêtre et des villageois, sous l'oeil attentif de vincent Price et de son compagnon, le métrage nous présente ce jeune soldat qui, ayant sauvé son capitaine d'une mort certaine, aura droit à une permission pour aller retrouver son amie vivant chez son oncle prêtre, dans ce village où ils ne semblent plus être les bienvenus, du fait de la guerre civile enflammant le pays, le tout sur un ton plutôt léger mais en même temps assez grave, à cause de cette menace latente, et ce malgré une certaine confusion dans l'esprit du spectateur pas forcément au fait de cet épisode de l'histoire anglaise.
Et ce n'est qu'après le départ de notre soldat que l'inquisiteur, Matthew Hopkins, viendra justement s'occuper du cas de ce prêtre dont les adversaires l'accusent de connivence avec le Malin, nous permettant de suivre de façon précise et claire les agissements aberrants de ces deux hommes pour qui tous les moyens, même les plus saugrenus et sadiques, sont bons pour faire avouer leurs victimes, tout en mettant en avant l'aspect vil et pervers de l'inquisiteur qui ne résistera pas longtemps au charme de la demoiselle et ne tardera pas à lui proposer en échange de faveurs l'arrêt des tortures sur son oncle.
La suite de l'intrigue continuera à explorer la bassesse de ce Matthew Hopkins ( ayant vraisemblablement réellement existé ) qui n'hésitera pas à abandonner son compagnon aux mains de l'armée en prenant la fuite, mais qui surtout continuera à se livrer à des actes barbares ( le bûcher incliné ) et absurdes ( l'épreuve de la noyade ) sur les supposées sorcières dont il préférera bien évidemment interroger les plus jeunes, tout en avançant la vengeance de ce jeune soldat vindicatif après avoir découvert ce qui était arrivé à ses proches et surtout à sa fiancée, vengeance qui éclatera lors d'un dernier acte assez brutal et surtout envoûtant à la vue des dernières exactions sadiques prévues par l'inquisiteur, et tout en mêlant à l'ensemble de manière peu opportune quelques rebondissements plus étroitement liés à l'histoire anglaise ( la fuite du Roi, par exemple ).
Au delà de ses séquences de tortures et d'exécutions graphiques mais finalement vraiment très peu sanglantes, le métrage tirera sa force de la présence de cet inquisiteur froid et glaçant, mais en même temps bien pervers et manipulateur, admirablement interprété par un Vincent Price délaissant complètement son surjouage habituel, reléguant presque au second plan le développement de cette vengeance amenant certes des rebondissements fréquents, parfois porteurs de suspense et d'ironie ( lorsque notre soldat croisera sur sa route l'inquisiteur se rendant justement chez sa promise pour accomplir son "travail" ), mais drainant aussi une action dynamique, tirant parfois même vers le western avec ces chevauchées épiques, agrémentée de prises de vues en extérieurs tirant largement profit des grands espaces de la campagne anglaise.
Par contre, il ne faudra pas s'attendre à voir dans le métrage le moindre aspect fantastique et l'intrusion de la sorcellerie ne sera jamais utilisée à ces fins, et même l'inquisiteur montrera bien ses limites dans la croyance aux accusations proférées .
L'interprétation est plus que crédible, dominée par un Vincent Price qui livre ici une prestation incroyable et la mise en scène de Michael Reeves est globalement maîtrisée et vive, parvenant ainsi à donner du rythme à l'ensemble, tout en sachant se montrer spectaculaire.
Les quelques effets spéciaux sont assez simplistes lorsqu'ils font couler le sang, et ce sera plutôt du côté de plans plus discrets qu'il faudra chercher un réalisme étonnant ( les pendaisons ).
Donc, ce "Grand inquisiteur" tranche par son sadisme et sa violence avec les productions historiques de l'époque, tout en amenant parfois un humour typiquement anglais pondéré au milieu de son action bien animée, mais surtout en nous présentant un personnage hallucinant, définitivement et foncièrement perfide, machiavélique et dangereux !
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