En 1913, Alfred Redl, officier supérieur de l'armée austro-hongroise, ayant dirigé un service de renseignements au sein du ministère de la Guerre à Vienne, se suicide d'une balle dans la tête.
L'affaire Redl, depuis trois quarts de siècle, intrigue les historiens et les écrivains comme Stefan Zweig ou John Osborne. Elle est le point de départ du scénario de Szabo et Dobai. Le Redl du film est un personnage construit qui emprunte des traits au suicidé de 1913 mais aussi à d'autres sources: certaines séquences viennent de "La Marche de Radetzky" de Joseph Roth.
Le Redl de Szabo est le fils d'un cheminot, né dans une province périphérique de l'empire. Ses qualités scolaires le font reconnaître, il bénéficie d'une bourse, est admis enfant dans une école militaire. Redl révère l'empire et le vieil empereur comme le Trotta de Roth. Il accepte la discipline, se fait apprécier du vieil officier qui commande l'école, devient un officier modèle et est appelé à Vienne dans l'entourage de l'archiduc héritier (celui qui finira mal à Sarajevo) qui le charge de mettre sur pied un service de police à l'intérieur du corps des officiers. Pour souder l'unité de l'armée on lui suggère de découvrir un complot dont la répression ferait le meilleur effet sur le moral des cadres. Redl travaille avec l'archiduc à définir le profil du comploteur idéal: un officier de valeur, un peu juif, né dans une région éloignée...Il précise la cible jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un nom à écrire sous le portrait-robot: le sien. Le piège se referme. Redl est rejeté par la caste. Il se tire une balle dans la tête.
Redl court continuellement derrière une image de lui-même. Il ne sait pas qui il est. Déclassé ou surclassé, c'est la même chose, il se trahit dès l'enfance. Broyé par le chantage des militaires qui le manipulent, il se fabrique une cuirasse de raideur qui le protège peut-être face au monde mais dont lui sait la fausseté. Il s'acharne à être autre et s'emprisonne dans un personnage dont il est l'auteur.
Le film est sec comme une manoeuvre dans la cour de l'école militaire. Le rituel hiérarchique (saluts, claquements, géométrisation et froideur des lieux) définit le film comme le gris des uniformes et les couleurs froides des casernes. Peu d'ouvertures, sinon sur les images d'enfance ou sur la forêt enneigée où Redl baisse une seule fois ses défenses et tombe dans le piège qu'il a vraisemblablement pressenti.
Film captivant.
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