Auteur des célèbres films J’me balade dans Moscou, Mimino, Kin Dza Dza, Les larmes coulaient ou encore Passeport, le cinéaste géorgien Gueorgui Danelia livre avec Marathon d’automne une comédie de mœurs étonnante et satirique, dont lui seul à le secret. Le film dresse le portrait drôle et attachant d’un homme prénommé Bouzykine, interprété par le grand Oleg Bassilachvili, exerçant le métier de traducteur, compatissant et toujours prêt à aider les autres, qui va décider de donner un nouveau sens à sa vie. Ecartelé entre sa femme, pour laquelle il ne ressent plus grand chose, sa maîtresse et ses amis toujours à court d’argent, Bouzykine étouffe et a besoin d’air pur. Marathon d’automne, tourné en 1979, montre ainsi une Géorgie grise et sans avenir, où des personnages essaient de lutter contre la misère et la dureté de la vie. Devant un quotidien morne et enfermé dans les conventions, notre héros plutôt faible de caractère ne trouve un échappatoire que dans les relations complexes qu’il noue avec sa femme, sa maîtresse ou ses amis (dont un étrange professeur alcoolique !), mais ces situations de plus en plus compliquées finissent par échapper à son contrôle, sa femme et sa maîtresse finissant par le quitter, fatiguées par ses hésitations permanentes et son incapacité à faire un choix. Bouzykine croit pouvoir profiter de ces deux ruptures afin de vivre pleinement sa vie, mais la réalité de ce monde sans horizon finit par refaire surface et l’illusion de liberté par s’évaporer totalement, disparaissant sous la dureté du régime politique mais aussi à cause de l’indécision chronique de notre héros. Ne restent alors que des espoirs déçus, mais aussi la fiabilité des amis et la solitude des êtres qui permet le retour de son épouse et de sa maîtresse et qui finit par voir revenir Bouzykine à sa situation de départ, c’est-à-dire une vie conventionnelle, morne mais rassurante. Le constat de Danelia est alors amer : rien ne peut changer dans ce monde conformiste car les gens semblent incapables de faire un choix et tout finit par revenir inéluctablement à son point de départ. Le changement et la liberté ne sont que des chimères, des feus follets. Le spectateur pense alors inévitablement à la situation de la Géorgie à l’époque, paralysée par le régime soviétique et ne pouvant pas évoluer. Si Marathon d’automne reste une comédie dont le ton est léger, la fin du film laisse sur un sentiment d’impuissance et d’amertume, terminant sur une note assez pessimiste. Bref, Marathon d’automne est un film méconnu à (re)découvrir de toute urgence, drôle et grave à la fois.
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