Conscient de la liberté permise pour la réalisation de son segment des "Masters of horror", Dario Argento, auteur de quelques unes des classiques italiens du genre dans les années soixante-dix dont "Suspiria" et "Ténèbres", en a profité pour se lâcher sérieusement autour d'une intrigue vénéneuse et envoûtante.
Le script nous invite à suivre la rencontre entre un officier de police et une jeune femme au visage complètement déformé, Jenifer, après que ce dernier l'ait sauvé des mains d'un déséquilibré qui allait la tuer. Mais la demoiselle, en plus de devenir une obsession pour ce policier, va se montrer sous son vrai jour, terrifiant.
Et pour cette adaptation d'un comics assez connu, le réalisateur transalpin n'y va pas de main morte, alternant des séquences érotiques plutôt osées avec d'autres, versant allégrement dans un gore nauséabond à base de cannibalisme froidement étalé sur l'écran, mais sans que l'auteur ne s'y attarde trop, juste le temps de mettre en avant les travers de cette jeune femme présentée en première intention comme une victime, que le spectateur, tout comme le héros du métrage, n'aura aucun mal à prendre en pitié, tant sa présentation et son apparente fragilité sont parfaitement illustrées ( les petits cris plaintifs, par exemple ), nous amenant à dépasser l'évident dégoût causé par un physique pour le moins répugnant. Et c'est en avançant de manière explicite ( encore que légèrement édulcoré par la production) le côté sexuel de la relation entre les deux protagonistes que l'auteur achèvera de rendre l'intrigue envoûtante mais en même temps étrange et viscérale, nous amenant à se questionner sur notre réaction dans la situation du héros.
Mais en même temps, Dario argento n'oublie pas de faire monter graduellement une tension palpable, en nous laissant rapidement deviner les mauvaises habitudes de son personnage ( la blessure sur la main ), nous faisant ainsi redouter une explosion de violence qui ne tardera pas à venir, même si les victimes ne seront pas forcément celles auxquelles on pourrait s'attendre ( transgressant sans aucune pitié un des tabous de notre époque ), tout en nous faisant redouter un retournement contre le héros du film qui, malgré un côté quelque stéréotypé, arrive quand même à devenir attachant.
Et si la chute pourra après coup sembler bien évidente, le mystère non éclairci entourant l'origine de "Jenifer" permettra au spectateur de se laisser aller après la vision du métrage à toutes les divagations possibles et inimaginables, l'auteur ayant réussi à imposer son personnage comme un fantasme refoulé et bien pervers malgré son côté destructeur.
L'interprétation est convaincante et Carrie Anne Fleming parvient à faire passer des émotions malgré son maquillage. La mise en scène de Dario Argento arrive parfois à étonner, même si elle demeure plus classique que par le passé. Les effets spéciaux sont probants, aussi bien pour l'apparence repoussante du personnage central, multipliant les détails abjects que dans des plans gores volontaires et très graphiques.
Donc, le réalisateur Dario Argento a parfaitement appréhendé les possibilités offertes par l'anthologie pour démontrer que malgré les échecs successifs de ses précédentes oeuvres, il était encore bien présent dans le genre, au travers de cette histoire qui en plus d'être captivante, affecte largement son spectateur !
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