27ème film du grand cinéaste français post-nouvelle vague Philippe Garrel, Les amants réguliers revient sur les évènements de mai 1968 en France et sur les désillusions qui ont suivi. Filmé dans un superbe noir et blanc contrasté dû au grand chef opérateur William Lubtchansky, le film est composé de 4 chapitres qui résument tout à fait le regard que porte Garrel sur ces évènements : les espérances de feu, les espoirs fusillés, les éclats d’inamertume et le sommeil des justes. Le cinéaste présente un groupe de jeunes oisifs se disant artistes qui rêvent de révolution mais qui passent plus leur temps à fumer et à ne rien faire. D’ailleurs, le passage de 1968 à 1969 n’a pas vraiment bousculé leurs habitudes ni changé les choses. L’image récurrente du marteau posé à terre marque bien l’échec de cette révolution en tant que révolution. Si Les amants réguliers est le récit de la perte des idéaux révolutionnaires, c’est aussi celui de la naissance de l’amour (titre d’ailleurs d’un autre très beau film de Philippe Garrel avec l’inoubliable Jean-Pierre Léaud), domaine où Garrel est passé maître. Le cinéaste parvient en quelques plans magnifiques à faire exister cette histoire d’amour fou qui naît entre François (l’excellent Louis Garrel, fils du réalisateur) et Lily (Clotilde Hesme, une révélation) et à la rendre palpable. Les gros plans sur le visage mélancolique de Clotilde Hesme sont parmi les plus beaux jamais filmés : en quelques secondes, tout est dit et ressenti. L’art de l’ellipse de Garrel est à son sommet et revient à ce qu’on appelait le cinéma pur. De toute façon, Les amants réguliers se résument à l’essentiel : le film est en cela proche du style de l’immense Robert Bresson. Bourré de clins d’œil à Bernardo Bertolucci et son génial Prima della rivoluzione (mais aussi au très beau Innocents – The dreamers, autre film du même Bertolucci sur mai 1968, dont le ton est totalement différent, et déjà avec Louis Garrel), à Jean-Luc Godard, au spectateur (à qui les personnages s’adressent parfois directement), avec une narration elliptique et dédramatisée, nimbée d’une poésie intemporelle, film sur l’amour et la fin des illusions, sur le couple et le groupe, mais aussi et surtout sur le fait de trouver sa place dans la société, Les amants réguliers est une œuvre magnifique et l’un des tous meilleurs films de 2005.
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