Pour son premier long métrage, le réalisateur irlandais Billy O'Brien n'a pas choisi, avec ce "Isolation", un sujet facile, tant cette histoire de vaches mutantes aurait pu aisément sombrer dans le ridicule. Mais heureusement, c'est loin d'être le cas.
Le script met en scène un fermier ayant accepté que des recherches génétiques sur la fécondation soient faites sur ses vaches, mais lorsque qu'un des animaux va mettre bas, le veau, en apparence normale malgré sa grande taille, portera en lui des séquelles d'une mutation terrible.
Ce qui frappe d'entrée dans le métrage, c'est le souci d'authenticité imposé par l'auteur, qui filme avec réalisme le quotidien de cette ferme à la pauvreté évidente, presque glauque dans ces décors humides et boueux et n'hésitant pas à nous montrer sans aucune fioriture les détails cliniques des soins vétérinaires, tout ne nous présentant sans s'étendre les personnages, juste ce qu'il faut pour assurer la bonne compréhension de leurs relations.
Et c'est dans ce climat dépressif, symbolisé par le personnage principal, ce fermier endetté prêt à accepter des recherches que l'on sent très vite douteuses pour éponger ses dettes et obligé de supporter la relation de son ex-compagne avec le généticien avec lequel il a fait affaire que l'intrigue va dérouler ses événements ne prêtant pas vraiment à sourire, toujours grâce à leur réalisme impitoyable, que ce soit lors de la séquence de l'accouchement, sordide et remarquablement mise en scène, qu'ensuite pour la mise à mort des animaux aux détails gores et à la brutalité froide.
C'est donc naturellement que l'élément lié à la mutation viendra ensuite s'incorporer à l'ensemble, sans que l'on puisse le qualifier d'improbable tant les explications quasiment scientifiques et le souci clinique de l'auteur ( notamment lors de l'autopsie ) priment, entraînant des rebondissements porteurs d'un suspense souvent soutenu et d'une violence toujours généreuse en plans sanglants mais en même temps crédible, atteignant son paroxysme dans une dernière partie au nihilisme d'une noirceur absolue dans sa description de la folie humaine, tout en mettant en parallèle la contamination du film avec des événements réels de manière cruelle et troublante.
Le réalisateur Billy O'Brien a commencé sa vie professionnelle dans le monde agricole et bien entendu, cela se ressent à l'écran, tellement sa description de la ferme paraît réelle, aidant ainsi largement le spectateur à être enclin à croire à cette intrigue qui pourrait pourtant sembler bien surréaliste sur le papier et à rendre inquiétant ces décors suintants et parfois nauséabonds ( la fosse ), recélant des multiples caches possibles pour le prédateur rendu ainsi invisible mais au potentiel omniprésent.
Et bien que ce soit son premier long métrage, l'auteur maîtrise remarquablement sa mise en scène aux angles de prises de vue spéciaux et ses effets ( et ce dès le générique étrange ), parvenant à "promener" le spectateur pour mieux le surprendre ensuite, tout en arrivant à insérer des effets de surprise réussis de façon récurrente, le tout en gardant un rythme constant et alerte.
Mais c'est également par son aspect clinique que le métrage fait mouche, multipliant les scènes-chocs, quand ce ne sont pas des plans gluants et gélatineux des petits mutants qui viennent chercher à écoeurer le spectateur, le tout bénéficiant d'effets spéciaux plus que probants, et l'auteur a aussi le bonne idée de ne pas nous dévoiler entièrement son monstre, laissant ainsi l'imagination prendre le dessus, puisque que celui-ci n'est filmé qu'en gros plans ou dans des séquences mobiles.
Le film peut aussi s'appuyer sur une interprétation terriblement juste dans sa sobriété, toujours ancrée dans un réalisme froid, à aucun moment perturbé par le moindre humour malvenu, qui puisse ainsi sa force dans le côté intimiste donné à l'ensemble.
Donc, ce "Isolation" s'avère être une vraie réussite ( Grand Prix à Gerardmer justifié ? ) qui sait prendre aux tripes et embarquer son spectateur dans son intrigue d'une froideur totale !
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