Avec "Sans retour", le réalisateur Walter Hill s'essaye avec une réussite totale au "Survival", dans un registre très proche du "Délivrance" de John Boorman.
En effet, le script place neuf soldats de la Garde Nationale Américaine dans les bayous de la Louisiane pour une mission de routine qui va tourner au carnage après un quiproquo avec des autochtones, les cajuns.
Après un démarrage flirtant ouvertement avec le film de guerre, mettant en présence ces "soldats du dimanche" pas toujours très finauds dans leur grossièreté, mais ne tombant jamais dans la caricature pour rester au contraire parfaitement réalistes, le métrage ne tarde pas à changer de voie, dès la première fusillade entraînant la mort de l'un des gardes nationaux, pour devenir oppressant, voir même carrément suffocant lorsque les personnages s'enfoncent dans la brume de ces marécages inhospitaliers où se cachent des ennemis invisibles, mais dont l'omniprésence semble avérée ( les lapins morts, les chiens sauvages ). Car les décors naturels jouent un rôle important dans la réussite du métrage, dans l'aspect boueux, sale et humide qu'ils lui confèrent, rendant encore plus précaire la situation des différents protagonistes, impression renforcé par leur sentiment de tourner en rond et d'être perdu que le côté sauvage, répétitif et insondable des bayous augmente largement.
Et c'est dans ce contexte que le réalisateur va disséminer les multiples temps forts qui habitent le métrage en faisant régulièrement rebondir l'action tout en maintenant un suspense soutenu, pas uniquement dû à la présence cachée des cajuns vindicatifs, puisque les tensions à l'intérieur du groupe isolé viendront aussi alimenter des situations aussi imprévues que copieusement méchantes ( le combat au couteau ). Et Walter Hill aura l'excellente idée de ne pas nous montrer ses "prédateurs" avant la dernière bobine du film, poussant ainsi le spectateur à s'interroger sur leur nombre et leur réel but, mais surtout renforçant ainsi l'impact de la toute dernière partie du film, tout simplement insoutenable par son suspense imparable, puisque même si les habitants du village ont l'air "normaux", la menace ne plane que d'autant plus sur les survivants, et le mélange de bonne humeur ambiante ( les danses et la musique cajun donnant une toute autre dimension à ces séquences ) et de cruauté réaliste ( l'abattage des cochons ) ne fait que parachever une ambiance glauque et électrique. Et la présence du prisonnier, remarquablement interprété par Brion James, ne fera que rappeler le danger permanent encouru par les personnages, quand celui-ci ne prendra pas des allures d'épouvante pure pour se rappeler au bon souvenir des protagonistes ( les corps déterrés ).
Mais au-delà de sa thématique particulière, on ne pourra s'empêcher de voir au travers du film une parabole sur la guerre du Vietnam ( l'action est censée se dérouler à la même période ), avec ces soldats envahissant un territoire inconnu en ne respectant pas leur environnement ( le vol des barques, déclencheur indirect des hostilités ), et sur la stupidité de la guerre, au travers des décisions hasardeuses prises et des conflits qui en découlent, mais aussi avec le discours "propagandiste" du chef de la manoeuvre.
Le métrage peut également s'appuyer sur une interprétation très solide qui, même si elle est dominée par un Keith Carradine excellent, laisse à chacun des différents personnages un tempérament bien trempé, et la mise en scène de Walter Hill est rythmée et efficace.
Donc, ce "Sans retour" reste un classique quelque peu oublié du genre qui, en ayant gardé toute sa puissance évocatrice et sa force narrative dans un suspense allant crescendo jusqu'à l'insoutenable final, mérite largement d'être ( re )découvert !
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