Une excellente surprise! Ce film-là fait partie de la (petite) poignée de titres de cette collection à voir et revoir, presque au même titre que "Mon homme Godfrey", "Les chasses du Comte Zaroff", "La piste de Santa Fe"(malgré une copie immonde) et "L'Emprise du crime" qui sont des chefs-d'oeuvre. Il y a aussi "Folies de Femmes" de Stroheim mais il s'agit certainement de la pire copie existante de ce grand mutilé. Bref aparté.
"Regeneration", donc, est le deuxième ou troisième long métrage (en est-on bien sûr?...A l'époque on bouclait un tournage de film en deux jours...) de Raoul Walsh, qui par ailleurs débuta comme comédien: c'est même lui qui assassine Lincoln et se foule vraiment une cheville au cours de sa fuite dans "Naissance d'une nation" tourné l'année précédente. Et bien le moins qu'on puisse dire c'est que l'élève a bien assimilé les leçons de Griffith! Rappelons que ce dernier inventa littéralement toute la grammaire du cinéma americain (voire...) des quatre-vingt dix années à venir. Le film en question -"Naissance d'une nation", donc- ne péchait que par sa durée monumentale; dans le Walsh présenté ici, tout est ramené à de plus justes proportions car il dure un petit peu plus d'une heure, soit deux de moins que son modèle.
Regeneration est donc un film important et très bon. On a coutume de le désigner comme le premier en date à mettre en scène des gangsters, mais son intérêt ne s'arrête pas là: on peut trouver aussi qu'il s'agit du tout premier film d'action "accompli", du tout premier film d'une lignée qui se prolonge jusqu'à Scorcese ou Coppola et que par conséquent nous aimons tous! "Naissance d'une nation", de Griffith, à côté, fait même office de simple coup d'état destiné à lutter contre les productions françaises (et oui...) et italiennes, le monumental "Cabiria" en tête. En outre, le film de Griffith rappelle par trop un éventail de genres tombés en désuétude à cause de leur durée moyenne, leur ampleur, leur coût et leur thème: cela va du western à la superproduction, en passant par le film-fleuve en costumes.
Regeneration peut également s'éparpiller un peu dans le melo mais il systématise et radicalise les éléments Griffithiens (utilisation du travelling, gros plans, montage alterné qui montre par exemple une jeune fille en danger, puis à trois kilomètres son petit ami à la rescousse; puis la jeune fille à qui une main mauvaise retrousse lentement la robe, retour sur le petit ami qui n'est plus qu'à un kilomètre cinq; gros plan sur la jeune fille qui hurle au moment où le vilain ricanant s'apprête à lui retirer ses volants, quel suspense, etc...) et mérite pour celà une place à part tant son efficacité sera copiée -et, il faut bien le dire, parfois égalée et surpassée car il ne s'agit ici que d'un petit classique malgré sa valeur historique.
Aujourd'hui, passé le premier quart d'heure, on passe un très bon moment. Ce n'est pas si mal pour un film de 1915!
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