Tout en étant une de ses réalisations de la première heure, ce "Un baquet de sang" est souvent considéré, à juste titre, comme l'un des meilleurs films de Roger Corman.
Le script nous présente Walter, un serveur pas bien finaud travaillant dans un bar fréquenté presque uniquement par des pseudos artistes appartenant à la génération "Beatnik". Et suite à un "accident", il se fera par la force des choses sculpteur à son tour, rejoignant ainsi ses idoles au panthéon des artistes de quartier, mais se verra dans l'obligation de renouveler ses forfaits pour rester sous les feux de la rampe.
Après nous avoir présenté son personnage principal enfermé dans un quotidien misérable et entouré d'artistes de pacotille qui subiront les assauts de l'humour sarcastique du réalisateur, caricaturant ainsi volontairement et outrageusement toute une frange de sa génération, le métrage rentre dans le vif de son sujet et permet à notre "artiste" bien énervé par son manque de talent de réaliser son rêve, faire une véritable sculpture réaliste, grâce à la mort d'un chat coincé dans un mur ( en hommage précoce aux écrits d' Edgar Allan Poe que Roger Corman allait largement adapter par la suite ? ) qu'il va s'empresser de recouvrir d'argile pour le présenter à son entourage comme une oeuvre fabriquée de toutes pièces par ses soins. Devant le succès rencontré et surtout à cause d'un autre "accident" au cours duquel notre héros tuera un policier, il recommencera à faire des sculptures plus vraies que nature, dans une série de rebondissements truculents pour nous amener vers une issue certes convenue et moralisatrice, mais également inexorable.
Mais même si le réalisateur s'attarde à se gausser ouvertement de ces "artistes" terriblement superficiels, contradictoires et imbus d'eux-même, cela ne l'empêche pas de nous livrer un portrait bien senti du personnage principal, un être simple extrêmement influençable remarquablement interprété par Dick Miller et de parvenir à faire monter une tension réelle bien que trop fugace lors des quelques séquences mettant en scène les futures victimes face à leur bourreau, tout en amenant par bribes un suspense de situation volontaire ( le bras du policier ).
Et l'excellent humour noir distillé par le film sera quant à lui beaucoup plus présent, surtout focalisé dans le personnage du tenancier de bar, pour d'incroyables et irrésistibles numéros comiques, malgré un caractère quelque peu répétitif de l'ensemble.
Le film est par ailleurs peuplé de protagonistes tous plus hauts en couleurs les uns que les autres, présentés de façon bien cynique par un Roger Corman jamais avare d'un bon mot bien placé pour rendre sa critique encore plus acerbe et virulente, sous couvert de l'humour.
L'interprétation est convaincante, même si certains acteurs surjouent un peu trop, et la mise en scène du réalisateur est vivante, fluide tout en suivant l'action de près.
Donc ce "Un baquet de sang" reste une petite perle d'humour noir à redécouvrir absolument, si son caractère quelque peu désuet ne rebute pas !
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