Prenant complètement à contre-pied l'esprit gothique qui régnait encore sur les productions anglo-saxonnes de ce début des années soixante-dix, la firme "American International Pictures" offre à Vincent Price avec cet "Abominable Dr Phibes" un de ses grands rôles pour une oeuvre baroque, étrange et passionnante.
Le script met en scène un homme, le Dr Phibes, cherchant à se venger des neuf médecins qui ont participé à l'opération ayant abouti à la mort de la femme de ce dernier.
Mais si elle peut sembler basique énoncée comme cela, l'intrigue prend immédiatement une tournure beaucoup plus probante, envoûtante et savoureuse à l'écran.
En effet, dès la première séquence, présentant un bien étrange personnage drapé de noir ( dont nous ne verrons pas le visage ) jouant de l'orgue pour s'achever sur un meurtre mettant en scène des chauves-souris, le spectateur tombe sous le charme de cette ambiance aussi baroque que mystérieuse. Et ce ne seront pas la découverte du personnage principal et de ses motivations, graduée au fil du métrage, ni les prémices de l'enquête policière, qui viendront ternir cette atmosphère prenante, largement épaulée par des mises en scène méticuleuses et originales pour des meurtres qui ne le seront pas moins ( les sauterelles, l'acide ), même si un humour typiquement britannique viendra alléger quelque peu le propos du film, notamment au travers de la balourdise et des répliques des policiers chargés de l'enquête.
Et surtout, le personnage joué remarquablement par Vincent Price aura largement de quoi passionner, mélange subtil de raffinement dans ses forfaits ( uniquement guidés par une haine farouche contre ceux qui ont selon lui tué celle qu'il aimait, même si on voit bien qu'il en retire un certain plaisir ) inspirés par une malédiction biblique, et de pitié qu'il peut inspirer devant sa triste destinée, et ce malgré un maquillage sépulcral bien inquiétant qui prendra tout son relief lors de la dernière bobine du film.
Et même si le métrage use d'arguments un peu faciles ( la non-résistance de certaines victimes, celle vidée de son sang, par exemple ) et d'ellipses providentielles ( la préparation et la réalisation du meurtre à la licorne ), cela ne nuit pas du tout à l'ensemble, tant le réalisateur occupe le spectateur par ailleurs, entre des décors surprenants et le jeu croustillant des acteurs.
La mise en scène du réalisateur accroît encore l'impression de surréalisme laquelle baigne le métrage, cadrant en gros plans aussi bien les visages que les détails sadiques ( tout en refusant de céder à l'appel du gore ) et les effets spéciaux, même s'ils se limitent aux résultats des crimes, restent probants.
Donc, "L'abominable Dr Phibes" compte parmi ces petits classiques du genre, quelque peu oubliés, que l'on redécouvre avec un plaisir évident et total !
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