Pour son premier long métrage, le réalisateur belge Fabrice du Welz nous livre avec "Calvaire" un film "coup de poing", foncièrement réussi, qui parvient à se sortir du carcan ciblé du "survival".
Car si à la base le script peut sembler classique, avec ce chanteur itinérant qui va tomber en panne en plein milieu d'une forêt inhospitalière et sera recueilli par un aubergiste cachant derrière sa bonhomie une folie bien réelle, alors que les habitants du village le plus proche semblent eux aussi passablement arriérés et dérangés, le réalisateur s'est énormément attaché à dépeindre les relations entre ses personnages, arrivant même à rendre attachant celui qui fait ici office de bourreau, alors que la victime, pourtant copieusement maltraitée, aura bien du mal à obtenir de la compassion de la part du spectateur hypnotisé par ce tableau rural parfaitement maîtrisé.
Et si l'auteur s'efforce dans un premier temps d'installer l'intrigue dans un cadre presque normal, rapidement des éléments inquiétants ( la rencontre avec le jeune simplet à la recherche de sa chienne, la nature brumeuse ) se mettent en place pour laisser le malaise s'installer, et même la bonne humeur presque candide de Bartel, l'aubergiste, devient menaçante au fur et à mesure que l'on avance dans le métrage, pour brusquement virer à la folie pure et simple. Et le calvaire promis par le titre de vraiment commencer pour le personnage principal, allant crescendo, pour une dernière moitié du film bien grave, sans pour autant que Fabrice du Welz ne se laisse aller à des excès sanglants, préférant une sobriété beaucoup plus frappante ( la crucifixion ), avant de nous offrir un final dantesque trouvant son apothéose dans un séquence de repas ( et ce qui suivra ) terrible et magistralement filmée.
Alors bien sûr, on pourra toujours reprocher au film le manque de suspense, quasiment absent ( absence d'ailleurs voulue par le réalisateur ), la présence de quelques clichés du genre ( les plans de fuite à travers la forêt ) et des références trop visiblement affichées ( "Massacre à la tronçonneuse" pour le repas final ), mais cela n'empêchera nullement le métrage d'être percutant et incisif, plongeant même parfois dans un surréalisme étrange des plus envoûtant ( la séquence de danse dans la taverne ), tout en magnifiant des décors totalement adéquats ( dépouillés pour l'intérieur de l'auberge, dangereux pour les extérieurs naturels splendides ) et en faisant preuve d'une barbarie brute sans concession, tout en nous réservant quelques "coup de théâtre" surprenants.
Le film peut également s'appuyer sur une galerie de personnages remarquables, la palme revenant de fait à l'aubergiste, mais les autres villageois sont aussi hauts en couleurs, dont l'interprétation plus que remarquable fait en grande partie la force de l'oeuvre, avec surtout un Jackie Berroyer stupéfiant.
La mise en scène de Fabrice du Welz en aussi partie prenante dans la réussite de l'ensemble, avec une caméra vive, des angles de prise de vue singuliers et des effets saisissants, tout en s'accommodant parfaitement d'une photographie volontairement sombre, privilégiant des tons ocres, pour mieux faire ressortir le rouge dominant du final.
Donc, ce "Calvaire" s'avère être une petite merveille, aussi bien glauque que barbare, d'un esthétisme incroyable !
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