Difficile de s'y ennuyer en effet, même si le premier quart d'heure prend le temps d'installer doucement une ambiance lancinante ponctuée d'extraits de standards musicaux.
Une œuvre très bien filmée, aux cadrages étonnants de maîtrise, avec un montage d'une précision exemplaire. Certaines séquences clefs sont visuellement époustouflantes et les affrontements, pour brefs et brutaux qu'ils sont (ce qui leur confère un réalisme et une puissance remarquables), demeurent lisibles et terriblement mobiles.
Pour le reste, l'interprétation est à la hauteur : Tom Cruise est convaincant dans ce rôle d'un tueur qu'on a du mal à détester - même si la dernière partie du film, après une révélation faite à Max nous montre clairement la voie à suivre. Je le préfère dans l'inquiétude, avec ces regards en coin, la tête constamment en mouvement, vérifiant la présence ou l'absence d'éventuels témoins de ce qu'il s'apprête à dire ou accomplir.
Foxx est nettement plus dans la nuance, ballotté par les événements, poussé à agir, malgré lui, malgré des principes pas toujours évidents.
Les dialogues sont percutants, et certaines notes d'humour viennent désamorcer des tensions, ou, en contrepoint, la souligner. C'est que malgré tout on n'est pas devant un film d'une grande originalité, ni dans l'intrigue, ni dans le traitement. Pire, quelques passages relèvent de l'invraisemblance. Cependant, pour peu qu'on se soit immergé dans l'action, les différents épisodes se suivent sans déplaisir : on sait où l'on va, on sait qu'on va se laisser surprendre, on sait ce qui risque d'arriver.
La fin est convenue ? C'est vrai. Décevante ? Peut-être. Disons que la dernière demi-heure conserve en intensité ce qu'elle a perdu en choc émotionnel, mais tout dépend de la façon dont le spectateur s'installe face à l'écran : quelqu'un qui a envie de tout analyser en temps réel passera à côté du film et ne relèvera qu'incongruités et déjà-vus. A partir du moment où il accepte d'être dupe - comme dans tout film de genre après tout - il ne peut que passer un bon moment.
Sans être glauque et sombre, Collateral instille quelques réflexions sur la condition humaine, les rapports humains, la valeur d'une vie... Ce n'est pas un pamphlet ni un brûlot contestataire, ni une œuvre totalement désespérée : une nuit, dans L.A., un contrat sur 5 personnes doit être honoré. Le tueur est-il conscient de la vacuité de ses actes ? Est-il sensible aux déboires et aux promesses de ceux qu'il va être amené à fréquenter ces quelques heures ? On lui découvre une passion (le jazz), cela le rend-il plus perméable aux émotions ? Et pourquoi cet attachement contre-nature à ce chauffeur de taxi qui devient plus embarrassant de minute en minute ? Jusqu'au bout, je me suis demandé ce que cela cachait : le rapport de Fanning sur un cas similaire semblait prouver l'existence d'une organisation méticuleuse ayant entraîné le choix délibéré du chauffeur ; un temps, j'ai cru que Vincent lui avouerait ne pas l'avoir choisi par hasard, mais non, la Vérité ne se dévoilera pas...
Un bon moment, d'une rare maîtrise formelle.
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