DVD A LA LOUPE

Résumé : Représentant en informatique, David Mann, qui roule tranquillement sur une route californienne, est mystérieusement pris pour cible par un poids lourd terrifiant. Il s'engage alors dans une lutte désespérée pour survivre...

Avis : Thriller haletant réalisé par un tout jeune Steven Spielberg dont c'est le premier film, sur un scénario minimaliste mais astucieux du à Richard Matheson, "Duel", conçu à l'origine comme un téléfilm, est devenu culte, symbolisant de manière très manichéenne la lutte du bien et du mal.

A part David Mann, omniprésent, il n'y a que peu de personnages dans le film, la plupart de ceux-ci étant rencontrés lors des haltes du voyageur pour prendre de l'essence ou se restaurer. En particulier on ne verra jamais le visage du conducteur du camion, ce qui fait que cet énorme engin, sale, rouillé, dégoulinant d'huile et fumant de manière nauséabonde, prend alors une sorte de personnalité qui lui est propre. L'intrigue se réduit à mettre en scène toute la série des situations dangereuses qui guettent potentiellement tout conducteur et peuvent être source d'accidents involontaires, sauf que là, elles sont provoquées sciemment par un conducteur dont on ne connaîtra jamais le mobile, sinon la recherche d'un jeu particulièrement pervers. Zigzags sur routes sinueuses, déboîtement lors de dépassements, signe que la voie est libre alors qu'un véhicule arrive en face, poussette devant un passage à niveau, tout est bon pour conduire à l'accident la petite voiture rouge du représentant de commerce. Le suspense se construit petit à petit, les agissements du camion apparaissant au début du film comme un jeu pour devenir assez rapidement une menace mortelle. La tension monte tout comme le rythme du film, et les attaques se font de plus en plus violentes, David passant à chaque fois à côté de la catastrophe, avant que les deux protagonistes ne se retrouvent face à face pour le combat final, bien inégal...

David Mann est un type normal, qui n'a rien d'un héros, et qui se trouve confronté à une situation où il doit trouver une solution pour sauver sa peau, avec bien peu d'atouts dans son jeu. Ce personnage est parfaitement interprété par Dennis Weaver, qui nous restitue toute une gamme de sentiments, qui eux aussi vont crescendo dans l'intensité, l'agacement qui devient de l'exaspération, l'appréhension qui devient de la peur puis de la terreur. On voit aussi son jugement s'altérer sous l'effet de la panique, en particulier quand il va s'en prendre à un consommateur dans un bar qu'il a cru, à tort, être le conducteur du camion maudit.

Spielberg fait preuve d'une maestria précoce, et ce film va lui apporter immédiatement une renommée mondiale, qu'il confirmera bientôt avec un autre thriller présentant de nombreuses similitudes, "Les Dents de la Mer". Le côté menaçant du camion est souligné en jouant sur les cadrages et les focales, exagérant le côté monstrueux déjà présent par ses tôles sales et rouillées. L'astuce géniale consistant à ne pas montrer le conducteur augmente encore cet effet. De plus, quand le camion est arrêté, les cadrages suggèrent toujours un prédateur tapi qui attend une victime, d'autant plus que tout se déroule sur des routes perdues de l'arrière pays californien donnant au terme duel toute sa signification.

"Duel" a été tourné en douze jours, avec un budget minimal, un seul acteur significatif, et deux véhicules. Avec cela, un tout jeune metteur en scène de 25 ans a réalisé un film mythique, soutenant un suspense permanent pendant une heure et demi avec seulement un camion qui poursuit une voiture. Il n'est pas nécessaire d'en dire plus pour souligner le talent de Spielberg, qui allait, suite à ce coup de maître, disposer de budgets conséquents qui lui permettront de se constituer petit à petit une des plus belles filmographies de l'histoire du cinéma.

 
Duel - Edition belge