DVD A LA LOUPE

Résumé : Lorsque des terroristes s'attaquent à l'ordre public, il faut leur opposer un flic cynique et implacable : il est assisté dans son enquête par une femme-flic qui met à rude épreuve ses comportements machos. A adversaires exceptionnels, moyens exceptionnels. Harry délaissera momentanément son célèbre colt Magnum 44 pour un Bazuka plus destructeur...

Avis : Trois ans ont passé depuis le très réussi « Magnum Force » alias « L’inspecteur Harry Vol2 ». Eastwood a pris un petit coup de vieux et il faut bien dire que son personnage aussi. Et pourtant, je reste convaincu que ce film avait tous les atouts scénaristiques pour être le meilleur des trois…si la réalisation n’avait pas été aussi molle….

Car il faut bien avouer que le métrage manque sérieusement de punch par rapport à ses illustres prédécesseurs qui avaient réussi le pari de faire du cinéma à grand spectacle mais intelligent avec des moyens financiers relativement limités mais avec des réalisateurs talentueux et un casting qui ne l’ait pas moins pour combler cette défaveur et livrer ainsi un produit d’une très grande qualité. Or ici, on tombe dans le poussif, entre le lourd et le bavard si frontière il y a entre les deux. Il y a bien cependant quelques scènes d’action pour tirer le spectateur de sa torpeur confortable avec notamment deux très longues courses poursuite à pied dans les rues de San Francisco mais la caméra est tellement statique (en opposition avec la très belle maîtrise de la caméra à l’épaule sur les autres), le montage trop télévisuel que celles ci n’amènent jamais à procurer un intérêt particulier au spectateur tel que moi qui s’attendait à une qualité bien supérieure de ce côté-là.
Je pense que ceci est surtout du à un manque de savoir faire de la part du metteur en scène. En effet, comme le voulait la ‘tradition’ sur les deux premiers volumes, ce nouvel épisode hérite d’un autre réalisateur et n’est pas Don Siegel, Ted Post ou même Clint Eastwood qui. Je parle de ce dernier car même s’il n’a encore jamais réalisé de Dirty Harry à l’heure de la sortie de cet opus (sans l’avoir vu je sais qu’il dirigera le quatrième et avant dernier de la série), il a mis en scène cette même année 1976 le phénoménal western « Josey Wales Hors la loi » ou James Fargo était son premier assistant….et il aurait du le rester, ou du moins se faire la main sur un univers moins codifié que celui de l’inspecteur Callahan. Tout le bien que j’avais pu dire sur la mise en scène des 2 précédents épisodes se retrouve anéanti dans celui-ci et nous est ainsi proposé n polar d’honnête facture visuelle certes mais tellement inférieure aux autres que la comparaison est devenue inutile. Les cadrages, le montage et même la direction de certains acteurs coulent un propos qui avait tout pour passionner le spectateur.

En effet, la structure narrative est bien plus intéressante dans « L’inspecteur ne renonce jamais ». Du point de vue de la situation, je dirai qu’on se situe entre la fin de « L’inspecteur Harry » et le début de « Magnum Force ». Suite à une arrestation réussie mais nécessitant de trop grosses prises de risques et occasionnant des dégâts importants, notre cher policier se retrouve radié de la criminelle et donc placé à un poste qui ne l’emballe pas : recruteur alors qu’entre temps est en train de se monter un opération terroriste de vaste ampleur. En ces temps où l’ordre mondial est secoué par des actions de ce type un peu partout dans nos pays occidentaux, on se rend compte de l’incroyable modernité et capacité à se renouveler des scénaristes qui placent à nouveau Callahan dans une situation encore plus difficile que jamais mais surtout toujours aussi crédible. Si le traitement des membres de cette bande est des fois un petit peu caricatural, je mettrai volontiers cela sur le dos de cette fameuse mise en scène qui se montre trop datée 70’s et qui peine à les dynamiser.
Par contre, celui de Harry reste sensiblement le même. Toujours aussi cynique, toujours aussi rapide qu’intelligent, Eastwood est l’emblème même de ce personnage et personne d’autre que lui ne pourra jamais le remplacer. : Sa dégaine, ses répliques qui tuent cultes, sa nonchalance violente….tout lui appartient. Ce qui est surtout appréciable dans ce script, c’est qu’un des (rares) défauts de « Magnum Force » se trouve ici effacé au profit de quelque chose de beaucoup mieux construit : exit les femelles énamourées et les amourettes rapides du sieur Callahan, bienvenue à une relation homme femme qui enfonce les à priori de notre flicard misogyne. Après avoir brimé une jeune recrue lors de son examen d’entrée sous prétexte qu’elle était femme et qu’il fallait avoir les ‘couilles’ pour aider son partenaire, il sera obligé de collaborer avec elle pour regagner ses galons. Le traitement de cette relation est vraiment intelligent et je pense qu’il s’agit là d’un très bon reflet des conditions de travail (à l’époque) des femmes dans le milieu macho des policiers. Ni super woman, ni super flic, cette jeune fille au physique plutôt banal, devra faire preuve de courage et de ténacité pour gagner l’estime du vieux briscard…et peut être plus si affinités. Elle est en tout cas le personnage secondaire le plus captivant et développé de la série.
Enfin, je voudrais parler de quelque chose que je pressentais depuis le début et qui explose littéralement dans ce film en en devenant quasiment l’objet principal du scénario : c’est que cette série policière est en fait une dénonciation de la corruption politique au sein de la justice. Comme dans le très bon « Serpico » de Sidney Lumet, ce film s’attarde sur la façon dont sont liés les deux corps que les fondements de la démocratie avaient voulu pourtant séparer et qui au final se gênent les uns les autres voire s’entravent et qui ainsi fait le jeu des malfrats qui profitent alors plus largement des faiblesses du système. Et malgré toutes ses capacités et son savoir faire, nous savons d’avance que Harry Callhan n’évoluera pas dans ce métier car il n’est pas comme son lèche cul de chef, il refuse le politiquement correct et les malversations politiques qui ne s’intéressent qu’au paraître au dépend du résultat (formidable scène de la lettre de félicitations) alors que lui ne veut que la justice, quoi qu’il doive en coûter. Je peux peut-être me tromper cependant, les films suivant seront là pour infirmer ou affirmer mes propos mais je pense qu’il est possible de voir cette saga comme un brûlot politique…ce qui expliquerait la méfiance de certains par rapport à son propos.

Ce film confirme donc la volonté des producteurs de faire une série intelligente, bien construite et de qualité fort honorable. S’il est clair que la mise en scène plombe l’ensemble du film, on trouvera un réconfort dans un scénario qui, s’il est un peu bavard (en comparaison des 2 autres), mérite toutefois notre attention par sa description du milieu policier et de ce qui l’encadre et qui ne ménage quand même pas les temps morts.et puis, et puis….c’est Harry Callahan ! P.S : Hommage ou simple hasard : le final (assez apocalyptique) se passe dans la forteresse d’Alcatraz où Eastwood avait tourné pour Don Siegel l’excellent « L’évadé D’Alcatraz ».

 
L'inspecteur ne renonce jamais - Clint Eastwood Anthologie