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DVD A LA LOUPE


L'ARMéE DES OMBRES - EDITION 2005

Lui écrire Hotkiller

L'armée des ombres - Edition 2005 DVD sorti le 29/03/2005


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Editeur : StudioCanal
Distributeur :
Universal StudioCanal Vidéo

Date de sortie en salle: 12 Septembre 1969

Durée du film : 2 h 17 min.
Acteurs: Lino Ventura

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Nombre de visites :
3823


   

Le Film : 10/10

Résumé : En 1942, en France durant l'occupation allemande, la vie difficile et courageuse d'un réseau de résistants : de la torture de l'un au sacrifice de l'autre, les choix de vie sont parfois difficiles mais pleinement assumés.

Avis : Le réalisateur Jean-Pierre Melville fut toujours un cas un peu à part dans le monde du cinéma. Très inspiré par le cinéma américain, l'ensemble de sa filmographie est marqué par des thèmes récurrents tels que la loyauté, le code de l'honneur et l'amitié. Longtemps catalogué en tant que réalisateur esthétique et esthétisant (son influence sur la Nouvelle Vague en général, Godard et Truffaut en particulier est réelle) spécialisé dans les films de gangsters, Melville, avec l'Armée des Ombres se lance dans l'adaptation de la nouvelle de Joseph Kessel et porte à l'écran une illustration de la vie de ces combattants continuellement exposés au danger, ces "guerriers de la nuit" dont la vie était menée au rythme du pas des bottes de la Wehrmacht : les Résistants.

En tant qu'ancien membre de la Résistance, on peut légitimement dire que Jean-Pierre Melville connaît son affaire et qu'une partie de son film recèle plusieurs éléments autobiographiques. Il avait d'ailleurs coutume de dire qu'il avais mis "toute sa chair" dans ce film. De ses années de Résistance, Melville gardera de puissants réseaux de contacts qui lui permettront par exemple de bloquer la place de l'Arc de Triomphe pour y faire défiler des soldats en tenue de l'armée allemande (scène d'ouverture du film), ce qui n'est pas rien si l'on songe que le film date de 1969. Mais l'immense talent de ce réalisateur n'est pas simplement de nous brosser un tableau de la Résistance et ce quelle impliquait. Non, Melville va beaucoup plus loin et par delà la Résistance, ce qui l'intéresse ce sont les personnes ; ce qui l'intéresse, ce n'est pas l'Histoire, mais ceux qui la font. Tous les personnages du film ont en commun une profonde solitude : ils ne se connaissent pas, ne se manifestent pas un attachement débridé, et pourtant, ils réussissent à faire cause commune, à faire front devant une menace qui les touche tous. C'est peut-être ce mécanisme d'amitié de circonstance que le réalisateur a voulu décrire dans son film, faisant de l'Armée des Ombres un film de destins où le réalisateur dissèque avec minutie et précision la vie à la fois simple et dangereuse de tous ces anonymes qui eurent à coeur de laver l'affront fait à la France en juin 1940.
Au coeur de ces personnages se trouve Philippe Gerbier dont le spectateur va suivre principalement le parcours de résistant. Tour à tour arrêté, puis évadé, puis repris puis libéré par ses compagnons d'armes, ce personnage est l'occasion pour Melville de brosser un tableau à la fois simple et prosaïque de la vie de ces Résistants.

Simple parce que chez Melville il n'y a pas d'effets de manche ou d'artifice. Son talent de narrateur est particulièrement mis en valeur par son excellente gestion du temps : aucun plan, aucun mouvement de caméra, aucune réplique ne sont superflus, tout est dédié à l'histoire, au scénario qui est très délié, porté qu'il est par la diversité des évènements qui sont montrés au spectateur. Avec un certain génie, le réalisateur prend son temps : certains plans peuvent apparaître parfois comme un peu lents mais en celà, ils en deviennent géniaux parce qu'en même temps le réalisateur insiste sur le poids de la responsabilité qu'il fait porter à ses personnages. En ce sens la terrible scène ou Philippe Gerbier participe à l'exécution par étouffement d'un jeune résistant qui l'avait trahi. Cette scène pour poignante et déchirante qu'elle soit est d'un réalisme et d'une sobriété absolus, d'une noirceur et d'un pessimisme profonds et plus que de choquer le spectateur, elle lui jette en plein visage l'ironie et l'injustice de cette France occupée qui voudrait que de simples français se voient dans l'obligation d'en tuer d'autres, se voient dans l'obligation d'être à la fois juges et bourreaux.

Prosaïque parce que chez Melville, il n'y pas de surhomme. Ou tout du moins, la force exceptionnelle de ses personnages tient surtout dans la force de leurs convictions et de leur personnalité. Comment en effet ne pas faire le parallèle entre le cheminement personnel de Philippe Gerbier, de Jeff Costello dans le Samouraï ou du Commissaire Mattéi dans le Cercle Rouge : tous, de par la simplicité de leurs choix sont des hommes à la force de caractère exceptionnelle; tous sont empreints et marqués par la réalité des choses qui les entoure et leur seule voie de salut reste la fidélité à leurs convictions les plus profondes; convictions qui, bien entendu, dans le cas de l'Armée des Ombres, prennent une dimension historique sans égal.

Maître mot du film, l'authenticité est certainement ce vers quoi Melville voulait tendre le plus dans son scénario. En effet, le réalisateur nous montre plusieurs parcours de vie et là où certains se seraient permis de juger, Melville en cinéaste intelligent ne fait que dépeindre. Pour lui il n'y a pas de "bon" ou de mauvais résistants. Ces derniers viennent de tous horizons, des communistes aux royalistes et sont guidés par des motivations qui leur sont propres, patriotisme ou goût pour l'aventure renforçant en cela le discours de Melville depuis le début du film à savoir qu'il n'y a pas une seule Résistance, mais des hommes et des femmes ordinaires, qui se transcendent, car les circonstances qu'ils vivent sont extraordinaires. Ainsi, certes si le coeur du film tourne-t-il autour de 4 ou 5 personnages principaux, Melville se souvient aussi que la Résistance n'était pas que l'affaire de quelques leaders charismatiques, mais celle de tous, comme par exemple cette scène où Philippe Gerbier est sauvé in extrémis par un barbier, personnage lambda mais dont l'action à la fois salutaire et courageuse est un magnifique acte de Résistance. Encore une fois, bel hommage du réalisateur à des inconnus qu'il croisa peut-être sans les revoir durant les difficiles heures de l'Occupation.
Le réalisme du film se trouve également dans tous les évènements autour des principaux personnages : des contrôles de papier à la sortie des gares en passant par des gendarmes affamés ou des miliciens qui débarquent dans un café, Melville a le même soucis du détail que pour dépeindre ses personnages. Les décors, situations sont analysés et participent au climat de frayeur qui règne tout au long du film. De la scène ou Philippe Gerbier attend dans les locaux de la Gestapo à celle où Mathilde tente vainement de libérer Félix incarcéré et torturé, ou celle de Gerbier attendant désespérément un contact dans une maison isolée, la tension est palpable, matérialisée par les bruits et les gestes et les attitudes de chacun, et colle à tous les personnages. En écho à sa description par les images, Melville ajoute par ailleurs certains passages en voix off de Philippe Gerbier : outre un soucis de fidélité à l'oeuvre originale de Kessel, ce procédé scénaristique permet au réalisateur de faire avancer son histoire avec talent : en effet, la simplicité des images s'accompagne de la simplicité du discours, la voix monocorde de Gerbier donnant une puissance dramatique au récit dont, émotionnellement parlant, le spectateur ne sort pas indemne. Il en est ainsi de la scène magnifique où Gerbier est soumis au jeu cruel d'un officier allemand qui le force à courir avant de peut-être tomber sous les balles de mitraillette : Melville signe l'une des scènes les plus fortes de toute l'histoire du cinéma français en alliant une musique "terrible", un cadrage sur mesure (expressions du visage notamment) et la voix off qui donnent un poids dramatique et un ton d'un noir fatalisme à l'histoire de Philippe Gerbier.

C'est d'ailleurs en celà que le film de Melville est profondément achevé parce qu'il a su inspirer au spectateur que nous sommes la même terreur qu'à ses personnages ; parce que de la banalité des situations et des évènements, il transpire de la pellicule une sorte d'effroi qui fait corps avec l'histoire racontée, interrogeant le spectateur au plus profond de lui-même pour qui se pose cette simple question : et moi qu'est-ce que j'aurais fait à sa place ? Comment en effet ne pas être interpellé par le sacrifice de Jean-François, comment ne pas être interpellé par cette volonté de Gerbier à parfaire sa mission d'unification de la Résistance malgré les rafles, les menaces de mort et le chantage de l'occupant nazi, comment enfin ne pas éprouver une certaine compassion pour le choix de Mathilde à la fin du film qui met en lumière toute la froideur de cette guerre qui n'a pas de nom, tous les paradoxes de ce combat où certains doivent être sacrifiés pour que d'autres survivent. Voilà ce que veut nous dire Jean-Pierre Melville à savoir qu'il n'y a d'issue pour ces hommes que dans le don de soi et le sacrifice, la force de leurs convictions les précipitant naturellement vers un sort tragique.

Outre le fait que l'Armée des Ombres a su mettre en valeur l'incontestable don de cadrage et de mise en scène de Melville, ce film se trouve être aussi au confluent de multiples talents. D'abord, du point de vue interprétation, l'Armée des Ombres constitue pour plusieurs comédiens français l'une des performance les plus abouties. Ainsi en est-il pour Lino Ventura (et Dieu sait qu'avant ce film il avait déjà amplement prouvé son talent) qui a un jeu d'acteur d'une sobriété et d'une force extraordinaires. Rarement nous avons pu voir au cinéma une telle performance parce que le jeu d'acteur de Lino est, à la manière du film, rempli de simplicité et d'authenticité : on y croit, parce que ce comédien sait, d'un seul regard ou d'une seule expression, susciter chez le spectateur une vive émotion; émotion dans le regard que l'on retrouve également dans la scène finale du film avec le personnage de Mathilde interprété magistralement par Simone Signoret. Là aussi ce film lui a réservé l'un de ses plus beaux rôles, tant il est vrai que son personnage fait à la fois d'insouciance et de gravité lui permet de nous offrir toute l'étendue de son talent.
Que dire enfin du grand Paul Meurisse qui interprète de façon très effacée ce personnage de "grand patron" de la Resistance, un rôle difficile, fait de nonchalance et de résignation (scènes avec son frère Jean-François) et de volontarisme (scène avec Lino Ventura dans la maison abandonnée). Il serait enfin injuste de passer à côté de tous les seconds rôles du film, de Jean-Pierre Cassel à Christian Barbier en passant par Serge Reggianni, avec une mention spéciale à Paul Crauchet : tous font un sans faute et la justesse de leur interprétation donne une vraie puissance dramatique au film.
Talent des interprètes mais également talent dans la partition musicale : Eric Demarsan (qui travaillera à nouveau pour Melville sur le Cercle Rouge) signe un thème lancinant et froid tout en restant discret, qui accompagne parfaitement la caméra de Melville. Point d'orgues : la scène où Gerbier doit courir dans un tunnel pour échapper aux mitrailleuses allemandes. Comme un point culminant du film, la musique organise une rupture de ton et devient encore plus glaçante décuplant ainsi la force des images. Cette musique sera par la suite popularisée par l'excellente émission télé, les Dossiers de l'Ecran, dont elle constituait le générique.
Enfin, talent dans les décors et dans la photo du film signée Pierre Lhomme. Outre des décors très sobres, ce qui marque dans le film c'est l'aspect bleu-vert-gris de la lumière qui baigne autour des comédiens, renforçant ainsi à l'extrême la froideur du comportement des personnages, mais aussi l'aspect "heures sombres de l'Histoire" du film et l'on peut dire sans se tromper que rarement la photo d'un film n'aura été aussi bien mise au service d'un scénario.

L'Armée des Ombres est à mon sens l'un des cinq meilleurs films français d'après-guerre. Ce film est un témoignage sincère et puissant de ce que certaines personnes, à un moment ou à un autre de leur vie, ont été dans l'obligation d'accomplir au nom de convictions tellement fortes qu'elles ne souffrent pas de comparaison possible. Courage, abnégation, telles étaient les qualités de ces combattants de l'Ombre, pour lesquels Jean-Pierre Melville signe un film mémorable affirmant du même coup ce que tout à chacun doit à ces soldats anonymes et volontaires : un salutaire et obligatoire devoir de mémoire.


L'Image : 3/3

Détails techniques : Format Vidéo : 16/9 - Ratio : 1.85:1

Avis : La restauration de StudioCanal faite en collaboration avec le directeur photo du film, Pierre Lhomme, est parfaite : d'une part le master est entièrement dépoussiéré et aucun défaut de pellicule ne vient gâcher le visionnage du film. D'autre part la colorimétrie est parfaitement respectée avec cet aspect bleuté des images et le teint un peu terne des couleurs. Rien à dire c'est du très beau travail de restauration, un modèle du genre.


Le Son : 2.5/3

Détails techniques : Dolby Digital stéréo et mono (1.0) en français - Pas de sous-titres

Avis : Là aussi le son a parfaitement été nettoyé (je parle du mono simple). Les dialogues ne sont pas trop étouffés et se mixent harmonieusement avec la composition musicale d'Eric Demarsan. Il n'y pas de réel dynamique dans ce mono mais peu importe, ce n'est pas un handicap pour apprécier pleinement ce film. La bande en stéréo n'apporte pas grand chose de plus. Au contraire elle m'a semblé moins clair que le mono sur l'enceinte centrale.


L'Interactivité : 1.5/3

L'ergonomie des menus :
StudioCanal ne brille jamais par son originalité dans cete collection. les menus sont faiblement animés (premier écran seulement et encore, ce n'est qe par la musque du film) et l'absence de transition entre ceux-ci et les vignettes fixes du chapitrage donnent un ton austère à la présentation de ce dvd.


Les bonus :

Peu de bonus vraiment originaux dans cette édition. Outre les traditionnelles filmographies, affiches photo et bande-annonce, on retiendra le trop court documentaire (27mn) intitulé "Jean-Pierre Melville et l'armée des ombres" : plusieurs intervenants directs du film (le directeur photo, la monteuse, Bertrand Tavernier) ainsi que le comédien Jean-Pierre Cassel nous racontent l'histoire du tournage, la façon assez particulière que Melville avait de mettre en scène ses acteurs et bien sur la légendaire "indifférence réciproque" entre Melville et Ventura qui ne s'adressèrent pas la parole de tout le tournage (vieux contentieux remontant au film "Le deuxième souffle").
Bref, c'est un peu court pour un film aussi riche que l'Armée des Ombres, mais on retiendra surtout de cette édition qu'elle nous présente le film, du strict point de vue image, dans une qualité quasi-parfaite et c'est bien l'essentiel.


Les Visuels : 0.5/1



La pochette / Le packaging

Il s'agit d'un slim digipack cartonné fragile. Encore une fois on peut se poser la question de savoir pourquoi Studiocanal a toujours préféré mettre une image du film en recto de jaquette alors que l'affiche originale figure à l'intérieur du digipack. Celà étant, mis à côté d'autres films de cette collection, ce DVD a un rendu assez joli dans sa sobriété



La sérigraphie

Celle-ci accompagne le digipack. mais là encore, sous prétexte d'uniformité de collection, nous avons droit à un visuel, certes de bonne qualité, mais dépourvu de tout intérêt.


Note Finale : (17.5/20)

Commentaires concernant cette critique

- le 14/04/2005 à 06:49 par tupeutla : La bande son stéréo m'a semblée parfaite, sans exagération. Ne pas oublier que depuis x années, les prises de son sont faites sur matériel multipistes. Il suffit donc de les récupérer (si elles ne sont pas perdues) pour restaurer correctement la bande son.
- le 13/04/2005 à 12:34 par Aérochouf : Merci beaucoup pour ce test majeur, belle rédaction, un DVD à posséder absolument je me permet de le dire et de le redire ;o)

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