DVD A LA LOUPE

Résumé : Dans les profondeurs de Chinatown, à New York, de terribles crimes sont commis par un puissant réseau de corruption. A la tête de cette organisation, Joey Tai décide de gérer les choses à sa manière. Le capitaine Stanley White propose alors à ses supérieurs de "nettoyer" cette mafia chinoise. Un duel à mort va bientôt l'opposer au parrain de Chinatown.

Avis : "L'Année du Dragon" est dans la veine des polars noirs, situant son action dans le quartier new yorkais de Chinatown où sévit une guerre de clans entre immigrés d'origine chinoise. Le scénario a été écrit, sur la base d'un roman de Robert Daley, par le réalisateur Michael Cimino associé à Oliver Stone, ce dernier trouvant là une certaine continuité avec le script de "Scarface" réalisé deux ans plus tôt. Cimino quant à lui sortait d'une traversée du désert provoquée par l'échec commercial cinglant de "La porte du paradis" qui avait mis en faillite les studios United Artists. "L'Année du Dragon" a également frôlé le désastre à cause d'une polémique concernant le caractère raciste du scénario, leurs auteurs s'en défendant, ayant recherché le réalisme dans une certaine peinture de la société américaine à travers toutes ses composantes.

Le film possède deux facettes, très imbriquées à travers le héros principal, le capitaine Stanley White, joué par un Mickey Rourke alors au summum de son art et qui réussit en permanence à nous faire ressentir les sentiments contradictoires qui habitent son personnage. On suit sa croisade contre la mafia chinoise dirigée par le jeune Joey Tai (John Lone), en pleine ascension et décidé à conforter son pouvoir quels qu'en soient les moyens, y compris les plus violents. Mais en parallèle on décortique la personnalité de ce flic resté déboussolé par son expérience au Vietnam, à la fois intègre et xénophobe, encore amoureux de sa femme Connie mais incapable de faire marcher son couple, et irrésistiblement attiré par la beauté d'une jeune sino-américaine, Tracy Tzu (Ariane) reporter pour les actualités télévisées. Les personnalités de Joey Tai, Tracy et Connie sont également traitées avec soin, en évitant un manichéisme facile (en particulier Joey Tai possède un charisme certain), sans que cela ne soit au détriment d'une action assez soutenue qui se déroule entre New York et la Thaïlande. Par ailleurs White se démarque de ses collègues de la police et des politiques qui achètent une certaine tranquillité en fermant les yeux sur des exactions contre lesquelles il veut justement lutter, et de ce point de vue le film n'est pas plus tendre avec un "establishment" corrompu qu'il ne l'est avec les parrains du crime qui règnent par la violence et la terreur. On retrouve cette violence lors de quelques scènes spectaculaires, et on soulignera le caractère très cru et peu politiquement correct de dialogues qui sonnent néanmoins particulièrement juste. Il est à noter que les médias sont aussi largement épinglés dans leur façon d'agir.

Mickey Rourke et John Lone dominent largement un casting où les seconds rôles sont aussi interprétés avec bonheur (on citera spécialement Caroline Kava (Connie), profondément humaine et très émouvante, et Raymond J. Barry (Louis Bukowski)), avec toutefois une petite restriction pour la très belle Ariane dont c'était le premier rôle et dont le jeu manque d'un peu de nuance. La réalisation de Cimino est un régal, avec plusieurs scènes qui marquent la mémoire grâce à une mise en image exceptionnelle jouant sur les jeux d'ombre et de lumière. On citera, à titre d'exemple, une scène très calme où la silhouette de Tracy se détache en ombre chinoise sur la ville éclairée par la nuit, et le final sobre et efficace dans sa violence, lors de l'affrontement décisif entre White et Tai sur un pont de chemin de fer où tous deux apparaissent également comme des ombres sorties du brouillard.

"L'Année du Dragon" est devenu, sinon un film culte, du moins un grand classique, dont l'équilibre parfait entre une action bien menée et un traitement psychologique fouillé des personnages est rehaussé par le réalisme des situations, évitant les nombreux clichés du genre. Les décors, la photographie recherchée d'Alex Thomson et la musique très réussie de David Mansfield complètent une oeuvre de très haut niveau, et cela malgré son épilogue assez conventionnel.

 
L'année du dragon