DVD A LA LOUPE

Résumé : Le royaume de Zu est une contrée magique protégée du mal par des ordres de preux chevaliers. Mais le mal est de retour, le cruel Insomnia, véritable concentré d'énergies maléfiques, va tenter une nouvelle attaque sur Zu qui aboutira à la destruction d'un des ordres protecteurs. 200 ans plus tard, Insomnia lance un nouvel assaut.

Avis : La légende de Zu c’est une nouvelle fois le film de la rupture pour Tsui Hark, habitué aux révolutions de son art. En 2000, après sa déception lors de son expérience américaine où il signa quelques films avec JC Van Damme, films sympathiques mais tout à fait indigne du talent du réalisateur, il revient à Hong Kong pour montrer que le cinéma chinois ce n’est pas seulement John Woo et Wong Kar Wai et livre au monde une œuvre définitive, Time and Tide, polar exceptionnel par sa narration et sa mise en scène. Verdict : chef d’œuvre en puissance… Dernièrement il nous a aussi pondu Seven Swords, film de sabre un peu décevant (mais il manque au moins 1 heure de film) car moins inventif que d’habitude mais réponse plus réaliste à la vague de Wu Xia apparue suite au succès de Tigre et Dragon, produit plutôt bon mais clairement formaté pour un public occidental.
Tout cela n’a pas forcément de rapport avec la légende de Zu me direz vous ? Et bien si car ce qu’il faut savoir avec Tsui Hark c’est qu’en plus d’être le génie que l’on sait c’est quelqu’un sujet à une jalousie maladive. Donc quand en 1998 sort à HK le film Stormriders d’Andrew Lau (futur co-réalisateur d’Infernal Affairs et excellent « faiseur de films », que l’on peut presque comparer à notre Luc Besson national tant il a du flair pour savoir ce que veut le public), le film fait un tabac et les recettes sont énormes. Ce film est un bon moment sans être un excellent film et base son succès sur une utilisation outrancière des effets numériques et une imagerie très mangas/jeux vidéos. C’est suite à cette réussite du box-office local que Tsui Hark décide de mettre en chantier une séquelle à son chef d’œuvre kitsh, conspué à sa sortie et aujourd’hui devenu culte, Zu les guerriers de la montagne magique.
La légende de Zu c’est un peu ce qu’aurait du être Zu à l’époque si la technologie et les moyens avaient été suffisants (c’était en 1983 et les effets spéciaux étaient ceux de star wars !). Adaptation d’une légende fleuve de 8 millions de mots (!), la légende de Zu reprend l’univers de Zu mais qu’il est presque impossible de reconnaître tant l’apport des images numériques est important. C’est un peu comme pour Star Wars, l’univers de la menace fantôme semblant bien différent de celui de la première trilogie.

Après cette petite présentation de l’historique qui me semblait nécessaire voyons ce que nous propose ce legend of Zu, tant attendu des fans comme des détracteurs de Hark.
Tout d’abord visuellement le spectacle est impressionnant ! En effet Hark s’est apparemment entouré d’une équipe de qualité car on a rarement vu un univers aussi foisonnant dans autre chose qu’un film d’animation. C’est somme toute logique car Tsui Hark n’a jamais eu la prétention de créer un film réaliste, la frontière avec l’animation est donc très mince et correspond parfaitement à l’univers fantasy du film. Cet univers est d’autant plus impressionnant que Tsui Hark avoue s’être très largement inspiré de la peinture choinoise, tant au niveau des représentations que des couleurs, ce qui éloigne encore le film des modèles occidentaux.
Pour ce qui est du scénario, voir le film une seule fois aboutira à une conclusion logique : c’est le bordel et c’est incompréhensible… ce qui n’est pas faux mais cette impression disparaît lors d’autres visionnages et l’univers ainsi que ses messages s’ouvrent alors au spectateur. Dans la légende de Zu, 2 thèmes essentiels sont traités : la lutte entre le bien et le mal, et le pouvoir de la mythologie (ou de la religion, c’est au choix). Ces thèmes étaient déjà présents dans l’original de 83 mais ici le ton diffère et est beaucoup plus sérieux, en effet les pitreries de Yuen Biao ne se retrouvent plus dans cette nouvelle version et l’humour en est donc absent. La légende de Zu c’est aussi une fable sur la difficulté des immortels à être heureux, l’amour leur est interdit et quand il apparaît leur statut d’immortel s’en trouve brisé et le chaos fait son apparition. Idem pour les humains, leur envie de changer de statut, de passer au niveau supérieur se traduit par une lutte sans merci (voir le second rôle de Zhang Ziyi qui accède au pouvoir de l’univers). Au passage il est amusant de voir que le seul combat au sol met en scène une humaine, les autres se situant tous dans les airs (gros trip de yuen woo-ping au passage qui s’est vraiment fait plaisir sur les chorégraphies !). Sur ce point d’ailleurs on a rarement vu des personnages en vol auxquels on croit autant.
Un mot sur le casting constitué de Cecilia Cheung qui remplace sans totalement convaincre la grand Brigitte Lin, Ekin Cheng qui fait du Ekin Cheng…, la belle prestation de l’immense Sammo Hung qui est vraiment trop rare ces derniers temps ou encore le second rôle comme dit plus haut de Zhang Ziyi, seul personnage plus terre à terre que les autres. Le reste de la distribution s’en sort à merveille dans cette fantaisie.

Au final, en plus du spectacle visuel qui est comme je le disais bluffant, on assiste à une œuvre métaphorique sur le respect des normes, l’impossibilité d’aimer librement, la corruption du pouvoir et le mal pour y accéder (la « blood cave » où insomnia va acquérir son pouvoir d’immortel), les personnages sont devant le choix impossible du bien inhumain ou du mal trop humain… à méditer ;).
La légende de Zu est donc une œuvre crépusculaire, d’un lyrisme incroyable (souligné par la bande son), synthétisant à merveille les technologies disponibles pour livrer un tableau vivant, une œuvre d’art belle comme une peinture et une ellipse émouvante et intelligente. Derrière le premier aspect beau mais incompréhensible il y a donc une vraie recherche intellectuelle à la limite de la philosophie. Je comprends très bien que cela peut rebuter nombre de spectateurs mais quand on accède au second degré de lecture c’est tout simplement passionnant et beau.

 
La légende de Zu